L'Épopée

L'Épopée

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L’étymologie du mot “Épopée” permet d’approcher une première définition : nom féminin apparu en 1675, du grec « epopoia », « poème épique », le substantif “epos” renvoyant à la parole, à la voix, au poème de caractère narratif et historique et “poïen” verbe (faire , fabriquer), par opposition à la poésie lyrique, tantôt associée à la danse –Terpsichore- tantôt à la tragédie –Euterpe. La poésie épique est sous l’égide de la première des Muses, Calliope. En se référant aux textes grecs, on peut donner comme point de départ du genre : l’action guerrière, héroïque, le grandissement surhumain, le merveilleux, et la présence de topoï (ici, celui de la bataille, à laquelle pourraient s’ajouter celui de la tempête et la descente au Enfers). Il s’agit, à l’origine, d’un long poème.
C’est Aristote dans sa Poétique qui précisera le genre de l’Épopée, la classant d’emblée, sur la forme, dans la poésie et plus spécifiquement la poésie narrative par opposition à la poésie dramatique (Tragédie) et ïambique (Comédie) et se caractérisant par un récit de grande dimension pouvant même englober plusieurs Tragédies
Sur le fond, l’Épopée se doit d’exalter les belles actions et les hommes de mérite, “les hommes de haute valeur”, par opposition avec la comédie, qui met en scène une humanité inférieure et des instincts vulgaires . Et “si le poète imite des hommes violents ou lâches… il doit précisément en faire des hommes remarquables comme Achille dans Homère
Ce choix du sujet noble et des sentiments élevés, l’Épopée le partage avec la Tragédie, considérée par Aristote comme issue véritablement de l’Épopée.
Texte fondateur, l’Épopée prend ses ancrages dans l’histoire d’un pays, d’un peuple dont elle fournit la chronique, largement nourrie de mythes et de légendes.

Du Vème siècle (chute de l’empire romain en 476) à la fin du XVème siècle.
Au moment où la France connaît l’apogée du genre, le terme Épopée ne semble plus connu et l’a cédé au mot Chanson de geste, ou simplement geste (de gesta, “actions, exploits” en latin) À cette époque, les Ménestrels, chanteurs et musiciens, voyageaient de ville en ville pour réciter par cœur ces Chansons ou “chançon” ( du latin “cantio” ou “action de chanter”) qui ne désignent alors que le poème épique en vers et chanté.
Ainsi, depuis les débuts, où se tenait principalement l’orature, la littérature a fait bien du chemin. De l’Épopée premier genre archaïque écrit mais surtout de tradition orale est née la chanson de geste, aboutissement littéraire de cette tradition orale.

Le mot Épopée évoque le héros : une exceptionnelle naissance (ou en tout cas sa jeunesse)… quand il n’est pas carrément un demi-dieu !; une grande force force physique et mentale, son sens de l’honneur incorruptible ; l’apport d’aide magique ou l’intervention des dieux .Il doit cependant avoir maîtrisé le risque permanent de mort qui l’accompagne, parce qu’être un héros c’est assumer sa mort. Le héros a un rôle : une quête à poursuivre, ou une mission à accomplir pour restaurer l’ordre contre le chaos et les forces obscures. Pour cela, il doit lutter contres des adversaires monstrueux ou perfides. Les épreuves sont extraordinairement difficiles et se succèdent ; elles revêtent un aspect initiatique dans la mesure où, en permettant au héros d’atteindre progressivement son but, elles représentent aussi des étapes de sa vie à valeur ajoutée. S’il succombe (ça arrive quand même), ça ne peut être que de façon tragique. Cette image d’un homme brave et courageux est un modèle idéal pour le chevalier du Moyen-Âge. Cette idée n’est, en fait, pas bien loin de la définition que nous en avons : Long poème (et plus tard, parfois, récit en prose de style élevé) où le Merveilleux se mêle au vrai, la légende à l’Histoire et dont le but est de célébrer un héros ou un grand fait (Dictionnaire Le petit Robert). Ainsi, en plus de glorifier l’héroïsme guerrier on retrouve des éléments merveilleux tenus pour vrais. Dans La Chanson de Roland, la plus ancienne et célèbre de nos épopées françaises (cf Chanson de geste), il est surtout question de références au Miraculeux chrétien, par exemple lors de la mort de Roland, celui-ci tend son gant à Dieu et un ange vient le chercher (laisse 176).

C’est à cause de ce surnaturel que nous pouvons affirmer que l’épopée tient de la légende. Elle se rapproche aussi du mythe par son caractère fondateur. En fait, fondateur d’une littérature, comme nous l’avons vu précédemment, mais aussi plus particulièrement d’une littérature nationale, car elle est la narration d’une action qui s’est produite pour défendre son pays. Chaque nation possède donc sa propre épopée.

Il faut trois conditions pour avoir une nation : une caste de prêtres, de défense et de nutrition et enfin de reproduction, assurée par les paysans et les gens du peuple. L’épopée se situe au niveau de la défense, et ce, parce qu’une guerre fait émerger chez l’homme un sentiment d’appartenance à une nation. Elle est l’élément déclencheur qui fait que l’on passe du stade familial, que l’on pourrait qualifier d’individualiste, au stade tribal, qui est une prise de conscience de la communauté. Le sentiment de la patrie amène les individus à se regrouper. Elle éveille et stimule leurs ressources créatrices. C’est pourquoi, lors de certaines guerres comme celle de Valmy en septembre 1792 qui opposait les Français et les rois européens, on a déjà vu le peuple minoritaire remporter la victoire contre des armées de professionnels. L’explication est simple, les paysans, eux, se battaient pour défendre leurs familles, leur pays et leur nation avec toute la rage qu’ils avaient aux tripes, alors que les guerriers pensaient davantage à sauver leur peau. Le sang n’est-il pas le meilleur ciment social, et pour rapprocher les gens d’un peuple, et pour irriguer une nation forte et unie d’un sentiment nationaliste ?

C’est dans cette atmosphère que se déroule l’épopée, elle naît sur les lieux de pèlerinage et les champs de bataille. Ainsi serons-nous en position pour mieux comprendre le héros, que certains pourraient qualifier d’orgueilleux, et qui en fait ne pense d’abord qu’à sa patrie plutôt qu’à sauver sa vie ou celle de ses camarades. Il passe du moi individuel à un moi social. Le héros de l’épopée est aussi déchiré entre trois conflits, un conflit cosmique qui oppose les forces du BIEN et du MAL, dans La Chanson de Roland il est question des Français contre les Sarrasins. De plus, un conflit social se déroule à l’intérieur de la patrie, en l’occurrence un traître. Et pour terminer, un conflit individuel oppose notre brave héros dévoué pour sa nation et défendant les valeurs chevaleresques contre un homme n’ayant habituellement pas les mêmes valeurs.

En résumé, nous pouvons affirmer de l’épopée qu’elle est un récit de louanges envers un héros qui s’est battu jusqu’à la mort pour sa patrie et qu’elle comprend aussi quelques éléments merveilleux tirés de la légende. L’épopée se définit donc par un style, où le souffle de la phrase, l’usage de la période, bien entendu les figures poétiques, et tout particulièrement l’hyperbole, ont une place déterminante.



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