Le mythe de l'Âge d'or

Le mythe de l'Âge d'or

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Le Moyen Âge

Le mythe de l'âge d'or est au coeur du Roman de la Rose : Ami prend longuement la parole pour dire combien on est loin de la loyauté et de la simplicité des premières amours dans ce monde où règne la propriété : il est d'ailleurs interrompu dans son long discours par le mari jaloux.
L'importance d'Ovide dans le Roman de la Rose et dans tout le Moyen Age n'est plus à prouver. Mais parmi les nombreuses éditions des Métamorphoses, la représentation iconographique de la succession des âges est rarissime : peut-être est-elle entravée par la concurrence de l'image du Paradis terrestre judéo-chrétien. Il est intéressant de noter qu'en peinture, l'Ovide des Métamorphoses se mêle à celui des Amours, pour fondre le motif de l'âge d'or avec celui du "Verger de Déduit".

La Renaissance


L'âge d'or est présent dans la poésie et les illustrations des éditions d'Ovide à partir des années 1550. Les poètes de la Pléiade reprennent le mythe pour rêver d'un monde de paix et de justice sur fond des guerres de religions : ainsi Ronsard, dans le long poème XX des Meslanges (édition de 1555) renouvelle complètement le topos dans une dénonciation violente de la propriété et de la guerre civile. Dans les Antiquités de Rome (1558), Du Bellay se réfère aux cabanes d'Évandre dans le sonnet XVII pour montrer comment la grandeur de Rome a été réduite à rien par le Pape, pasteur de ruines autant que d'âmes. Dans le sonnet XIX, opposant toujours la Rome primitive à la Rome actuelle, il condense, dans la fuite au ciel de toutes les "vertus divines", les deux images hésiodiques du départ de la Justice et de la boîte de la Pandore qui cette fois grand ouverte ne retient plus un seul malheur.
Dans les derniers poèmes des Regrets, publiés la même année, il fait de deux femmes exceptionnelles, Marguerite de Navarre, morte en 1549 (sonnet CLXXIX et sonnet CLXXXV), et la jeune Marie Stuart (sonnet CLXX), des figures emblématiques d'Astrée resdescendue sur terre : le souvenir de Marguerite reste comme l'espérance au fond de la jarre, et la reine d'Ecosse est promesse d'un peu de "redorure".
Aucun des deux n'est dans l'illusion : Nicolas Filleul de la Chesnaye annonçant au contraire, dans ses Théâtres de Gaillon, après le viol de la glèbe et de la mer et l'envol d'Astrée, le nouvel âge d'or ouvert par la conjonction de Catherine de Médicis et de Charles IX, apparaît quelque peu comme un marchand d'espoir à bon compte.

L'âge classique :

L'âge d'or est une des cibles de la réécriture burlesque d'Ovide par Charles d'Assoucy, Ovide en belle humeur. Nous donnons ici son texte sur l'âge d'or et celui sur l'âge de fer. On pourra étudier facilement les procédés de la parodie (voir activités de réecriture)

Le XVIIIe siècle :

Le texte classique de Voltaire (Le Mondain), qui fait un sort au mythe au nom du progrès, ne saurait faire oublier la persistance des thuriféraires (prophètes encenseurs du nouveau régime), en particulier un texte de l'illustre M. Galois annonçant le règne de Louis XVI comme un nouvel âge d'or.

Le XIXe et le XXe :


Le thème est repris de manière très ironique par Rimbaud dans L'âge d'or, poème sur la régression induite par la famille dont on sait qu'elle se fondait sur la toute-puissance de la mère.
Il n'est pas incongru de rapprocher la provocation rimbaldienne de celle de Buñuel : dans L'Age d'or, qu'il réalise avec Dali, la provocation porte sur l'idée même de mémoire. Sur la plage où se commémore officiellement le passé sacré des évêques de Majorque, le désir exprime son immédiateté dans le sable humide, tandis que le film s'achève sur des lendemains qui hurlent dans un château sadien dont le maître est Jésus.
Le XIXe et le XXe produisent des utopies et beaucoup de sorties du cycle du temps au nom du retour à une société plus pure ou d'une société égalitaire : deux essais sont particulièrement intéressants dans l'analyse des relations des projets politiques et du mythe qui nous occupe : Cocagne, au livre I, chapitre II du livre d'Alain intitulé Les dieux (1934) , et "L'âge d'or", chapitre du livre Histoire et Utopie de Cioran.
Le mythe de l'âge d'or est présent en filigrane dans toute la littérature romanesque contemporaine qui met en cause l'idée de progrès, ne serait-ce que chez Giono et Queneau.




 

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