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Le théâtre de l'absurde |
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Le théâtre de l'absurde |
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Le théâtre de l'absurde Dans les ruines de l'après guerre naît un théâtre qui se moque allègrement de toutes nos tragédies. Aux antipodes de l'engagement. Tiens, il est neuf heures, remarque Mme Smith au tout début de la Cancatrice chauve, au moment où la pendule vient de frapper dix-sept coups. Une chose au moins est sûre, en ce début des années 50, les petites anti-pièces de théâtre de Ionesco, Adamov et Beckett évitent soigneusement d'être de leur temps. Issue de la Résistance, de ses espoirs et de ses aigreurs, la IVème République est vite entrée dans la guerre froide, la crise de l'empire colonial, la peur nucléaire. Le parti de Moscou et celui de Washington se partagent les esprits. Les idéologies sont en pleine forme et le désespoir lui-même est solidement structuré. Au Quartier latin, les débats entre chrétiens, marxistes et existentialistes font salle comble, débordant souvent sur les trottoirs... A ceux qui sortent de l'expérience de la guerre (Auschwitz, Hiroshima) avec un violent sentiment de l'absurdité de la condition humaine, Camus et Sartre proposent des modèles de comportement : une attitude de dignité grise pour le premier, un engagement « quand même » pour le second. Sur scène, dans un cas comme dans l'autre, le dialogue permet au moins de continuer à célébrer la puissance des mots face au chaos des choses. Ionesco, Adamov et Beckett rompent en faisant remonter ce chaos du monde jusque dans la parole et le jeu des acteurs, en liant la dérision de l'époque"à une dérision du langage et de la scène. Tout, au départ, déconcerte dans cet « antithéâtre »: pas de personnage au sens classique du terme, pas de psychologie, pas de caractères, pas d'intrigue, peu de motivations dans les allées et venues et les actes des personnages. La parole est mise à plat par des lieux communs, désarticulée par des coq-à-l'âne, obscurcie par des ellipses. Passent alors à la trappe la vérité, l'être, la logique, le discours, l'action et le sujet. « Le thème de la vie, rappelle Ionesco, c'est le rien », et les personnages de En attendant Godot ont pour leitmotiv qu' « il n'y a rien à faire ». Mais trêve de philosophie : ces pièces d'avant-garde sont d'abord des spectacles et ne rencontrent le succès que dans la mesure où, rompant avec des codes réalistes épuisés, elles renouvellent le plaisir du spectateur. Les dramaturges du nouveau théâtre font leur le bon vieux principe de la théologie : credo quia absurdum «j'y crois parce que c'est absurde ». Une fois balayés le réalisme, la vraisemblance et les règles de la psychologie, la place est libre pour de nouvelles formes de langage et de gestes : ainsi cette entrée inattendue dans En attendant Godot, d'un homme, la corde au cou, tenu en laisse par un autre. Ce jeu à la fois inopiné et si évident, si déconcertant et si plausible, en dit soudain plus long sur la condition humaine que bien des grands monologues. |
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