L'apologue

L'apologue

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Fonctions et formes de l'apologue

Une fonction morale

• Le souci didactique
Conformément à son intention d'instruire en plaisant, l'apologue articule traditionnellement un récit et une morale qui vient l'expliciter, celle-ci pouvant revêtir un caractère religieux. C'est le schéma classique des fables de La Fontaine ou des paraboles (saint Luc, mais aussi Saint-Simon). Usant d'une comparaison, La Fontaine écrit dans la Préface de ses Fables: «Le corps est la fable; l'âme, la moralité.» Ce mode de composition peut toutefois être modifié. Diderot, qui détourne le genre en le mettant au service d'une cause jugée immorale, s'abstient de conclure, tout en conservant l'idée du caractère plaisant de l'apologue.

• L'effacement de l'enseignement moral
Dans les formes modernes, la morale tend à disparaître pour diverses raison. L'explicitation finale peut en effet apparaître esthétiquernent lourde, insistante. Le lecteur moderne préférera tirer lui même la leçon du récit. En outre, dans un monde où la morale n'est plus consensuelle, où les moeurs autorisent diverses opinions sur les sujets les plus graves, l'apologue ne peut espérer imposer une morale. Enfin, l'extension de l'apologue à des domaines très divers (politique, histoire, voire métaphysique) en fait davantage un instrument de réflexion et de débat qu'un outil d'endoctrinement autoritaire. À cet égard, le texte de Camus, qui met en scène de manière critique un prêtre voulant imposer à ses fidèles son interprétation de la peste, est un contre-exemple très révélateur. Le roman, dans son ensemble en effet, apparaît au contraire comme un long apologue où s'affrontent des convictions différentes, sans conclusion de l'auteur.

Une fonction critique

• La satire des moeurs
La vocation didactique de l'apologue conduit souvent à en faire unusage critique. C'est par la dénonciation d'un vice, des imperfections d'une société que l'apologue va tenter de faire passer son enseignement. Ainsi, certaines fables de La Fontaine comme "Le Loup et l'Agneau", "Les Animaux malades de la peste" dénoncent implicitement dans leur morale les injustices de l'époque. De manière indirecte, l'apologue se fait alors satire des moeurs ou du pouvoir.
Dans les récits utopiques, la critique implicite devient plus systématique. En offrant en miroire la peinture d'une société idéale, elle fait ressortir par contraste les imperfections, les inégalités, les absurdités de l'ordre existant; elle invite le lecteur à réfléchir et à prendre du recul par rapport à ce qui peut lui sembler au premier abord évident. Dans les contre-utopies, la satire se fait plus explicite, puisque celles-ci sont souvent la transposition dans l'imaginaire de sociétés réellement existantes et ne peuvent se comprendre qu'en référence au contexte historique. Ainsi, le monde d'Orwell est inséparable du totalitarisme, en particulier de sa vetrsion stalinienne.

• Un moyen de réflexion
L'apologue peut paraître, à l'origine, un genre rigide, dans la mesure où l'imposition finale d'une morale semble fermer sur elle-même sa signification et figer ainsi en une image définitive son enseignement. Dans ses versions anciennes, la partie narrative est en effet souvent brève, sèche, évitant tout ornement ou effet de style. (Tite-Live, Saint Luc,)
Mais l'apologue se révèle pourtant capable d'évolution et de souplesse. La Fontaine, déjà, en augmentant la part du récit et en lui adjoignant tous les agréments du pittoresque, transforme le genre. En outre, dans la mesure où les récits ont souvent vocation à être exemplaires, ils présentent une structure qui les rend propres à diverses interprétations ou réemplois.
Ainsi Saint Simon fait-il un usage inattendu du genre de la parabole. De même Rabelais renouvelle-t-il la fable des membres et de l'estomac en lui conférant un sens différent où les rapports de hiérarchie ont laissé place à la conception plus égalitaire d'un échange généralisé (p. 267). À cet égard, l'apologue peut être rapproché du récit mythique, qui, lui aussi, peut être indéfiniment réinterprété. Les textes de Montesquieu, le tableau de Bruegel sont révélateurs de cette parenté.

Les formes de l'apologue


Définition

• L'apologue traditionnel
L'apologue peut être défini comme un «court récit exposé sous une forme allégorique, et qui renferme un enseignement, une leçon de morale pratique» (Grand Robert de la Langue française). il peut être en prose ou en vers. Il comporte une partie narrative, qui peut mettre en scène des animaux, comme souvent dans les Fables de La Fontaine, des êtres humains, ou même des objets. Il se présente alors sous une forme allégorique, imagée, et comporte à l'origine une moralité explicite, partie qui tend à disparaître dans ses formes modernes, laissant au lecteur le soin de conclure.

• Variété des formes
Genre noble à l'origine, il est étymologiquement synonyme de fable. Mais, si ses premiers auteurs, Ésope (VIème siècle av. J-C), Phèdre (environ 15-50 ap. J.-C) ou certains auteurs célèbres comme La Fontaine, sont bien des fabulistes, le genre englobe plus largement
d'autres formes narratives comme la parabole (saint Luc,). Le conte philosophique ou la nouvelle (Buzzati), voire le roman (Camus, La Peste), sont susceptibles également de recourir, pour tout ou partie, à l'apologue.
Certains mythes et surtout l'utopie, qui se développe comme genre à part entière à partir de la Renaissance, peuvent lui être rattachés, illustrant ainsi la diversité de ses formes. Dans ces différentes variantes, l'apologue cesse souvent d'être un récit bref, pour prendre l'ampleur d'un monde imaginaire, parallèle au notre, et entretenant avec lui une relation critique destinée à l'éclairer, ou à le contester: Ainsi Swift s'essaie-t-il à l'apologue dans le cours d'un essai, avant d'imaginer les mondes fictifs des Voyages de Gulliver.

• L'apologue et l'image
Parmi les formes que peut prendre l'apologue, l'image occupe une place essentielle. L'emblème à la Renaissance, la gravure, qui accompagnait souvent les fables, et plus généralement le tableau, peuvent être considérés comme des formes iconiques de l'apologue. Au XVIIIème siècle, un peintre comme Greuze, qui reprend des scènes inspirées de l'Évangile, apparaît comme l'illustration du genre. Plus généralement l'allégorie, très fréquente dans la peinture classique, s'inspire des intentions pédagogiques et moralisantes de l'apologue.
Enfin, l'utopie, si elle a donné naissance à des oeuvres littéraires, a aussi inspiré les architectes et les cinéastes. Un film comme Metropolis de Fritz Lang, par exemple, peut passer pour l'une des premiètres «utopies malheureuses», antérieure aux premiers récits littéraires de ce type.

Caractéristiques

• Le jeu des comparaisons
L'apologue se présente comme un genre ayant une double dimension. D'un côté, il prend la forme d'un récit, de l'autre d'un exposé à vocation pédagogique. Il s'agit pour l'auteur de donner à un enseignement, souvent abstrait et rébarbatif, une présentation attrayante. C'est pourquoi l'apologue se présente fréquemment comme une comparaison dont le comparant prend l'aspect d'une narration, souvent pittoresque, et le comparé celui d'un enseignement moral, au sens large du terme, beaucoup plus austère. On comprend ainsi ses liens avec l'allégorie, qui consiste la plupart du temps à donner un caractère concret à une idée abstraite. En cela, l'apologue participe des stratégies argumentatives qui cherchent à séduire pour persuader, en recourant au procédé, souvent contestable au plan de la rigueur, de l'analogie.

• «Instruire en plaisant»

L'apologue se présente donc comme un genre destiné à faire passer une leçon en lui conférant un caractère ludique, voire plaisant. Il est l'une des premières formes de pédagogie cherchant à associer le plaisir et l'enseignement. Pour cela, il recourt à divers procédés
identifiables. Parmi eux, la mise en scène, sous forme figurative, constitue un élément essentiel. Le recours aux animaux, caractéristique de la fable, à des situations et à des personnages exemplaires, qu'utilise volontiers l'utopie (Montesquieu, Voltaire), à des comportements familiers du lecteur, permet à celui-ci d'entrer, par la médiation rassurante d'éléments connus, dans l'univers plus obscur de la morale. Cette mise en scène se double généralement du plaisir de découvrir une anecdote, une situation amusante, ou au moins suscitant la curiosité.
L'apologue associe de la sorte deux types de textes, l'un narratif, qui joue sur le plaisir de la découverte"l'autre explicatif, qui tend à dégager, au-delà de l'anectdote, la leçon ou la morale que l'on peut en attendre.


Source: http://www.intellego.fr/soutien-scolaire-1ere-S/aide-scolaire-Francais/Les-formes-de-l-apologue/12984




 

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