Le Drame romantique

Le Drame romantique

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Lors de son apparition au milieu du XIX siècle, le drame romantique est un genre théâtral neuf, en rupture brutale avec les œuvres antérieures. Ouverture sur le monde et sur l’histoire, refus de la distinction du comique et du tragique sont autant de facettes de cette révolution dont les œuvres sont parfois inégales, mais toujours troublantes et fécondes. Seule la révolution scénique du XXe siècle permettra de les jouer et de les comprendre.

Le « drame » désigne toute action théâtrale et plus généralement toute pièce de théâtre.
Le XVIIIe siècle voit la naissance du drame bourgeois dont les principaux théoriciens et praticiens sont Diderot et Beaumarchais. Il allie le spectaculaire et la vérité et ses sujets sont empruntés à la vie bourgeoise : importance de la famille, de la condition sociale, de la vie privée, de l’argent. Morale, sentiments vertueux et pathétique en sont les autres principaux constituants.
Sous la Révolution, apparaît le mélodrame qui accentue la double tendance à la surcharge
pathétique et au grand spectacle. Il est adapté à un public populaire, friand d’émotions fortes
mais sourcilleux avec la contrainte morale.
Après l’Empire, la tragédie s’élargit à la tragédie historique. Malgré leur statut de texte écrit
hors des préoccupations théâtrales, apparaissent ensuite les scènes historiques, signe de
l’émergence d’un vrai théâtre historique.
Le drame romantique a été influencé à la fois par le mélodrame et par les scènes historiques.

Les théories du drame romantique s’expriment principalement à travers les préfaces de leurs pièces. Elles ont subi l’influence allemande (Lessing au XVIIIe, puis Madame de Staël et Schlegel au XIXe). Les dramaturges dénoncent la fameuse règle des trois unités qui leur paraît absurde et démodée: unités de temps, de lieu et d’action. Le principe de la bienséance et de la morale classiques est également stigmatisé. De son côté, Stendhal, dans Racine et Shakespeare (1823-1825), prône la nécessité de représenter des événements qui ressemblent « à ce qui se passe tous les jours sous nos yeux ». La préface de Cromwell (1827) instaure le drame romantique. Pour Hugo, la séparation des genres comique et tragique ne se justifie pas : le drame doit mêler le grotesque et le sublime car « tout ce qui est dans la nature est dans l’art ». Dans la préface d’ Hernani (1833), il revendique l’engagement du poète aux côtés du peuple. Enfin, dans celle de Ruy Blas (1838), il définit le plaisir que le drame donne au public, émanant de l’association de trois éléments caractéristiques pris dans trois genres théâtraux: l’action du mélodrame, la passion de la tragédie et les caractères de la comédie.

Le drame contient également une dimension historique. L’expérience de la Révolution et de l’Empire a marqué les consciences. Il s’agit désormais de l’histoire totale de la société, représentée dans toutes ses composantes. La distinction classique qui réservait à la tragédie les princes et les rois et à la comédie le Tiers-état, le peuple n’apparaissant que sous la forme de valets, soubrettes et paysans de convention, est abolie. Pour illustrer le rôle historique du peuple, les dramaturges choisissent un héros issu de celui-ci dont il incarne les valeurs et les aspirations. Au drame de l’histoire, se mêle le drame de la vie privée.
Le héros romantique est habité par la passion amoureuse qui devient un point d’ancrage autour duquel un monde menaçant ou menacé pourrait se réorganiser. Celle-ci ne parvient jamais à s’accomplir, sinon dans la brièveté d’un bonheur fugitif. La figure du pouvoir (roi, ministre) peut être animée par la passion, mais le pouvoir peut être antagoniste de l’amour. Les rapports entre les personnages s’expriment par une rhétorique de l’excès.
La figure centrale du drame romantique doit connaître un destin exceptionnel, marqué par la fatalité. Elle se caractérise par la solitude et l’échec. Elle est lyrique, traduisant l’expression de son moi, quitte à crier sa douleur ou son désespoir dans des morceaux de bravoure. L’héroïne est tantôt angélique, tantôt démoniaque. Courtisane, épouse, maîtresse, mère, elle n’échappe ni à sa condition, ni aux lois, ni aux mœurs. Elle n’est ni mièvre, ni inconsistante et peut se métamorphoser sous l’effet de l’amour.

Parmi les grands auteurs qui se sont illustrés dans le genre du drame romantique, Victor Hugo bien sûr avec par exemple Hernani (1833), Ruy Blas (1838) , mais aussi Alexandre Dumas, Alfred de Vigny, Alfred de Musset et Gérard de Nerval. Les principales pièces d’Alexandre Dumas sont Henri III et sa cour (1829), Antony (1831), Richard Darlington (1831) et Kean (1836). Alfred de Vigny a écrit Le More de Venise (traduction–adaptation de l’Othello de Shakespeare, 1829) et Chatterton (1835). D’Alfred de Musset, retenons André del Sarto et Lorenzaccio. Enfin, Gérard de Nerval s’est également distingué avec Léo Burckart (1839).

Comparaison avec la tragédie classique

Les points communs
- La tragédie classique et le drame romantique appartiennent tous deux au genre théâtral.
- Ils respectent l’unité d’action.
- Ils tiennent compte de la règle de la vraisemblance*.

Les différences
- Le drame romantique fonde son drame sur une réalité historique.
- Le drame romantique ne respecte pas l’unité de temps et de lieu comme la tragédie
classique.
- Le drame romantique ne tient pas compte de la règle de la bienséance.
- Le drame romantique pratique le mélange des genres : tragédie et comédie.
- Le drame romantique présente un héros dramatique.
- Le drame romantique a une autre fonction, but : représenter le passé historique et souligner le rôle de l’individu dans la société.
- Le nombre d’actes n’est plus fixe dans le drame romantique.
- La forme dans le drame romantique : vers ou mélange vers – prose. De plus, plus le respect de l’alexandrin.

Le drame romantique révolutionne donc la tragédie classique.
Le drame romantique ne respecte plus l’unité de temps et de lieu car ces unités sont contraires
à la vraisemblance.
« Quoi de plus invraisemblable et de plus absurde en effet que ce vestibule, ce péristyle, cette
antichambre, lieu banal où nos tragédies ont la complaisance de venir dérouler...
L’unité de temps n’est pas plus solide que l’unité de lieu. L’action, encadrée de force dans les
vingt quatre heures, est aussi ridicule qu’encadrée dans le vestibule. Toute action a sa durée
propre comme son lieu particulier... » Victor Hugo (Préface de Cromwell)
Par contre, il conserve l’unité d’action car elle marque le point de vue du drame. « L’unité d’action est aussi nécessaire que les deux autres sont inutiles. C’est elle qui marque le point de vue du drame, or, par cela même, elle exclut les deux autres, il ne peut pas plus avoir trois unités dans un drame que trois horizons dans un tableau. »
Le drame romantique décide de mélanger les genres car séparer les genres, c'est isoler arbitrairement tel ou tel aspect, les unir, c'est exprimer l'homme tout entier. Le drame doit mêler le grotesque au sublime. Victor Hugo et les Romantiques veulent que les genres se mélangent sur la scène comme dans la vie réelle.
Le drame romantique recherche le vrai, le réel. Pour cette raison, aussi, il fait appel à la couleur locale. Le décor, les objets doivent donner l'impression de la vie ; la couleur historique et géographique doit imprégner le fonds du drame.
Le drame romantique n’a plus de fonction morale comme la catharsis. On veut représenter le passé historique et souligner le rôle de l’individu. Le héros dramatique prend ainsi plus de responsabilité mais le destin finit quand même par le rattraper.
Le drame romantique révolutionne aussi par sa forme : le nombre d’actes n’est plus fixe ; le vers et la prose peuvent se mélanger.




 

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