Le roman courtois

La littérature courtoise

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Aux 12e et 13e siècles, le mot «courtoisie» s’entend en deux acceptions: l’une sociale, exprimant ce qui concerne une cour, l’autre morale, désignant la qualité d’un individu.

Des rapports sociaux nouveaux s’établissent au sein des collectivités matériellement liées à la cour de riches seigneurs.

Simultanément s’amorce un processus d’émancipation de la jeunesse noble, les frontières du monde s’élargissent tant vers l’Islam que vers l’Extrême-Occident, et on assiste à un développement des traditions populaires et à un affinement des mœurs et de la sensibilité.

La courtoisie concerne, de façon particulière, les rapports entre les sexes, elle comporte une prédisposition à l’amour.

Elle s’oppose aux thématiques de la «chansons de geste»: mépris des attachements féminins, indignes d’un chevalier, indifférence à la volonté de la femme et complète impudeur de parole.

L’amour est le principal thème du roman; il n’est jamais le seul. L’auteur l’associe, dans la personne du héros, à la prouesse, qui est à la fois action militaire, quête de la justice et pratique de la bonté.

L'expression des situations amoureuses se fait par le moyen de l’allégorie, dans la direction de ce qui deviendra un jour l’analyse des sentiments.

On vise à une conciliation entre l’amour et la morale traditionnelle; un souci de préserver la règle sociale et la coutume religieuse pousse, sinon à condamner les liaisons adultères, du moins à les montrer comme l’effet regrettable d’une fatalité.

Une idée, alors totalement neuve, se fait jour: celle du mariage d’amour, par lequel se dénoue plus d’un roman.

Tristan et Iseult

Ce roman anonyme a été écrit au 12e siècle exalte l'amour impossible.

Ce «conte d’amour et de mort» a donné lieu à de nombreuses adaptations ou réécritures, dont la plus admirable est sans doute le drame musical en trois actes de Richard Wagner, Tristan et Isolde, représenté à Munich en 1865.

Ce n’est pas l’amour que le roman exalte, mais la passion, dans son sens étymologique de souffrance. Tristan et Iseult aiment l’amour plus que son objet, ils aiment la passion comme un impossible ailleurs. Leur amour, charnel ou non, est absence et absent: absence car il s’exalte par la séparation et l’absence de l’autre; absent car irréalisable, sinon dans la mort. Le roman est une longue ascèse dont le point culminant allie Éros et Thanatos, sensualité et mort :

«[Iseult] s’étendit près de lui, tout le long de son ami, lui baisa la bouche et la face, et le serra étroitement: corps contre corps, bouche contre bouche, elle rendit ainsi son âme.»



La force de Tristan et Iseult est d’introduire une réelle nouveauté littéraire, en subvertissant les valeurs féodales et courtoises qui constituent des repères essentiels pour la littérature médiévale : la passion de Tristan et d’Iseult a un caractère sensuel; la femme n’est plus cette dame inaccessible que l’on aime avec dévotion et chasteté, mais un être qui suscite désir et plaisir.

Roman de la Rose

Poème du 13e siècle de 21 750 octosyllabes, conservé dans plus de deux cent cinquante manuscrits chef-d’œuvre.

Les 4 028 premiers vers sont de Guillaume de Lorris (1230) auxquels s’est ajoutée, la continuation de Jean de Meun (entre 1270 et 1285).

Il raconte les étapes initiales d'un parcours amoureux au milieu d'un "jardin d'Amour". Il s'interrompt alors que l'amant, désespéré, est séparé de la Rose (la Dame) par les murailles pleines de personnages du château de Jalousie.

Voir le résumé de l'intrigue

Ce premier texte est la mise en récit, à travers la fiction d'un songe autobiographique, des thèmes de la lyrique courtoise, un art d'aimer complexe et subtil.

Le nom des personnifications aide à déchiffrer l’allégorie. C’est la figuration d’une histoire d’amour courtois: un jeune homme s’éprend d’une jeune fille, cherche à la séduire, mais voit son entreprise évoluer selon les vicissitudes des sentiments, favorables ou défavorables, qu’éprouve pour lui l’aimée.

L’allégorie donne à l’aventure un caractère exemplaire: histoire de l’amour et non d’un amour.

La doctrine courtoise, clairement résumée dans les commandements d’Amour, prend un sens plus profond dans le contexte d’une aventure dont les péripéties, les personnages, les décors, le style même suggèrent un idéal de grâce, d’élégance et de distinction. Des éléments mythiques renforcent cette suggestion. L’histoire de Narcisse constitue un avertissement et une réflexion sur le paradoxe du désir.

L’image de la rose résume par sa structure symbolique toutes les valeurs de la beauté.

Le schéma même de la quête est celui d’un mythe d’initiation: préparatifs, du néophyte, espace clos, entouré d’interdits, porte étroite, voyage vers l’intérieur, blessure, pâmoison, contrat, premier échec, demi-succès, deuxième échec.

Ainsi affleure la signification profonde de l’amour courtois: mythe de passage à l’état d’homme par la révélation du mystère sexuel (la fontaine et la rose), et mythe d’intégration à la société fermée de la cour.

Source: A I




 

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