Le Nouveau Roman

Le Nouveau Roman

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On groupe sous l’expression «nouveau roman» des œuvres publiées en France à partir des années 1950 et qui ont en commun un refus des catégories considérées jusqu’alors comme constitutives du récit :

– l’intrigue qui assure la cohérence du récit

– le personnage, qui donne, par son nom, sa description physique et sa caractérisation psychologique et morale, une rassurante illusion d’identité.

L'intrigue

Aux conventions réalistes du récit, les «nouveaux romanciers» opposent une autre forme de réalisme, celui qui suggère le déroulement de la conscience avec ses opacités, ses ruptures temporelles, son apparente incohérence.

Le Nouveau Roman est une fiction de l'intime.

Il ne s'agit pas de l'exploration morale d'un sujet qui se livrerait au lecteur au sein du projet concerté, l'intrigue tout entière se trouve subordonnée à la conscience parcellaire d'un sujet.

Ils visent à décevoir le lecteur qui s’imaginait candidement que le roman a pour fonction de raconter et de dénouer une histoire.

L'époque ayant perdu le goût des amours romantiques et des projets d’avenir, l’espace du nouveau roman devient le lieu d’obsessions sexuelles et d’une plongée parfois morbide dans le passé.

L’intrigue devrait, à ce compte, se dissoudre d’elle-même. Les nouveaux romanciers en jouent, pourtant, plus qu’ils ne l’ignorent.

Les personnages

Le Nouveau Roman est le produit d'une époque qui voit s'imposer les masses et doute de la nature humaine.

À la suite de Freud on doute de la psychologie traditionnelle.

Pour toutes ces raisons, le personnage dans le Nouveau Roman, souvent privé de nom, parfois réduit à une initiale, subit les conséquences d'une mutation profonde des mentalités et des structures sociales.

A la peinture des caractères, « soupçonnée » de transporter des valeurs idéologiques, le Nouveau Roman préfère l'exploration des flux de conscience.

Devenus anonymes et ambigus, les personnages évoluent dans une intrigue énigmatique.

La mise en question du personnage vise en priorité celui que la tradition romanesque a souvent imposé comme le premier d’entre eux : le narrateur. À la question «qui parle?», qui exprime un trouble sur son identité, a de plus en plus répondu un «ça parle».

Le Nouveau Roman fait le procès de la connaissance en se limitant au subjectivisme : l'étrangeté du monde, soulignée par la minutie des descriptions (c'est ainsi que ces romanciers se réclament d'un « nouveau réalisme »), sollicite une participation accrue du lecteur.

La fusion du je au sein d’un monde de représentations signifie la mort du héros (dont l’aventure a donné originellement son sens au roman) et peut-être du sujet. Toute conscience est conscience de quelque chose, ont enseigné les phénoménologues. Et si la conscience se réduisait à une hypothèse, déduite des choses elles-mêmes?

L’envahissement de la description exprime la passivité et l’anéantissement du sujet. Le héros médiéval chevauchant dans la forêt n’y apercevait que des points de repère ou des obstacles à sa conquête.

La temporalité

La mise en question de l’intrigue engage une nouvelle conception du temps du récit.

Incompatibilité entre la discontinuité du monde perçu et la continuité de l’écriture

Ainsi, au temps fragmenté dans lequel nous vivons et que rythment des événements auxquels nous reconnaissons un poids de réalité et d’émotion répond un temps spécifiquement romanesque, qui fait le cas échéant référence à la peinture, à la musique ou au cinéma pour afficher sa nature esthétique, mais dont l’unité est due au seul pouvoir des mots.

Recherche formelle

Les débuts du nouveau roman coïncident avec ceux de la «nouvelle vague» (expression employée en 1957 pour désigner une nouvelle génération de cinéastes).

Les films de la nouvelle vague présentent entre autres originalités une bande-son où les voix ne sont plus hiérarchisées de manière à permettre une claire écoute des acteurs principaux, mais brouillées, comme dans la vie, l’effet étant souvent accusé par le choix de scènes de rue ou de café; du moins le spectateur voit-il les personnages et peut-il ainsi les identifier.

Aux dialogues du roman traditionnel pourvus d’incises, tend à se substituer un concert confus qui obéit à un réalisme plus exigeant, mais reflète aussi une situation permanente d’incommunication.

Les nouveaux romanciers inscrivent au sein de la fiction les problèmes de l’écriture, au point que leurs œuvres sont plus contaminées qu’enrichies par leur projet critique.

A l’univers structuré du roman qui privilégie l’écriture de l’aventure d’un personnage, ils opposent "l’aventure d’une écriture" (Ricardou), qui est une recherche sans finalité, une exploration de l’inconscient, dans laquelle le sujet (personnages, intrigue, situations) est dilué.

Cette vision de l’écriture conduit à des textes qui mettent en valeur la présence :

- des objets,

- du temps et de l’espace,

- des obsessions,

- de la mémoire et leurs rapports avec l’auteur.

Brouiller le texte, c’était pour les nouveaux romanciers brouiller l’ordre social ou, pour le moins, montrer qu’il est factice.

Le roman devient ainsi une écriture dont l’objet est l’acte d’écrire, un acte qui vise le langage.




 

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