L’oeuvre de Rimbaud reste une somme exceptionnelle de la littérature du 19e siècle, pourtant, elle ne comprend qu’une centaine de pages d’un mince volume. Ses textes, poèmes et prose poétique, Rimbaud les a écrits entre quinze et vingt et un ans; ils expriment la révolte, l’ironie grinçante de sa jeunesse mais aussi une aspiration profonde à un autre monde. En dépit de son bref passage en littérature, Rimbaud a suscité des centaines de commentaires et exégèses, inspiré de nombreux auteurs, mais s’il "est le père de bien des écoles, il n’est le parent d’aucune" (Henry Miller). Brillant élève au collège de Charleville, mais vivant au sein d'un milieu familial étouffant que domine l'autorité de sa mère, il fait plusieurs fugues (en 1870 et en 1871) l'Histoire avec un grand H vient bousculer sa vie " normale d'enfant" et forcer tous les désirs latents, exacerber tous les dons." L'année de ses seize ans coïncide avec la guerre de 1870. Déjà, il voit son poème Etrennes des orphelins publié dans une véritable revue. Déjà, il a atteint une maîtrise de la forme qui s'allie magiquement à une fraîcheur dans le ton. Déjà, il sent une exaltation telle qu'il n'en finit plus d'écrire ( Ophélie, A la musique sont déjà nés ); il a réprimé trop de révoltes pour ne pas éclater en mots. il fugue à plusieurs reprises. |
Ses poèmes de forme régulière, écrits en 1870, donnent un assez fidèle portrait de cet adolescent "vagabond", sarcastique, tendre mais révolté qui, en 1871, applaudit à la Commune .
Avec la lettre à Paul Démeny, dite Lettre du voyant (15 mai 1871), Le bateau ivre (poème, sept. 1871) et le sonnet des Voyelles, Rimbaud passe de la "forme vieille" aux "formes nouvelles" que "réclament les inventions d'inconnu". Invité par Verlaine à Paris (sept. 1871), il se rend avec lui en Belgique (juil. 1872), puis à Londres. Leur liaison homosexuelle est passionnée et tumultueuse. Au cours d'une querelle, à Bruxelles, Verlaine blesse son ami d'un coup de revolver au poignet (1873). Certains épisodes de cette vie de marginal transparaissent dans Une saison en enfer (1873), texte étrange et violent où Rimbaud, ironisant sur lui-même, s'écarte des exaltations de l'aventure poétique. Bientôt, il renonce à la littérature, mais les Illuminations (1886, écrites vraisemblablement de 1872 à 1875), suite de visions fabuleuses, proliférantes, nées des interférences de la mémoire et du réel, ont déjà fait de lui ce "passant considérable" , comme le dit Mallarmé, et dont l'oeuvre, brève, dense, éblouissante, est à l'origine des tentatives poétiques modernes les plus diverses. En 1876, il s'engage dans l'armée hollandaise; à Batavia en insulinde hollandaise et à Djakarta), il déserte (1877), voyage en Europe avec un cirque (1877), se fait surveillant de travaux à Chypre (1879-1880), explorateur en Ethiopie et en Somalie (1882-1883), trafiquant d'armes au Harar (1884-1891). Atteint d'une tumeur à la jambe droite, hospitalisé à Marseille (1891), il est amputé et meurt quelques mois plus tard.
Rimbaud a probablement été plus lu pour le mythe qu’il représente que pour ses oeuvres, d’une consternante difficulté. Pourtant, dans ce déluge rimbaldien, cette déconstruction de l’espace littéraire traditionnel, celui du sens, des thèmes émergent, ceux de la révolte, du goût pour la vie, de l’expérience des sensations, de la débauche salvatrice et illuminante. Tous ces thèmes convergent vers "le langage de l’âme" (Henry Miller) d’un poète à l’existence et au génie fulgurants.