Marcel Pagnol (1895-1974) est né à Aubagne, dans les Bouches-du-Rhône. Orphelin de mère à 15 ans, il fait ses études secondaires à Marseille tout en commençant à écrire des poèmes pour la revue Massilia. En 1913, il entre à la Faculté des Lettres d'Aix-en-Provence et fonde la revue Fantasio qui deviendra Les Cahiers du Sud. En 1915, licencié d'anglais, il est nommé professeur au Collège de Tarascon puis, en 1917, au Collège de Pamiers. Il revient à Aix-en-Provence comme répétiteur en 1918. Il occupe le même poste au Lycée Saint-Charles de Marseille et se met à écrire des tragédies. |
Elu à l'Académie Française en 1946, il abandonne le cinéma et le théâtre, et commence la rédaction de ses souvenirs d’enfance.
Marcel Pagnol a fait rire, mais il a aussi ému. Entre ces deux sortes d'émotion, il y a d'étroites relations. Du théâtre au cinéma, puis aux souvenirs d'enfance, il a su préserver une continuité dans le ton. Ce qu'on en retient, c'est le naturel, la spontanéité. On oublie que ces qualités n'étaient pas innées chez lui. Nourri des classiques, il lui a fallu beaucoup travailler pour les acquérir. Il a renoncé à la tragédie pour la comédie dramatique. Il a admis qu'il pouvait écrire une pièce en prose.
Mais les fantasmes universitaires ne sont pas encore totalement dissipés. Son succès au théâtre vient aussi du fait qu'il n'hésite pas à reprendre à son compte le mélodrame dans la célèbre trilogie Marius - Fanny - César. Il suffit d'évoquer ces trois noms pour se souvenir aussi d'une intrigue très charpentée, s'appuyant sur des personnages fortement typés, qui semblent bondir de la rue pour entrer en scène. Mélodrame mais aussi théâtre de Guignol. Dans Topaze, si la morale est bafouée, c'est que cette morale est d'abord immorale.
Né de l'observation des petites gens de Marseille qui secouent, sans le faire exprès, notre langage littéraire trop souvent porté à une certaine sclérose d'expression, il apporte sur la scène la vie toute crue. Marcel Pagnol le savait et disait que son théâtre n'est pas un « théâtre de bibliothèque » ou d'avant-garde « mais le vrai, celui qui s'adresse au peuple, le théâtre théâtral ». Parlant de la langue populaire, il notait aussi dans ses Notes sur le rire (1947) : « Le langage contient de grandes vérités scientifiques et philosophiques si l'on se donne la peine de l'examiner, d'extraire les racines des mots, de démonter les phrases toutes faites. »
C'est également dans ce sens que s'oriente Marcel Pagnol en abordant le cinéma. Le théâtre, c'est bien joli, mais pourquoi ne pas lui adjoindre les moyens du film parlant ? Ne risque-t-il pas, ce faisant, de verser dans le théâtre sur pellicule ? Tout danger dans ce sens ne se trouve pas toujours écarté de ses films. Mais le procès intenté à ce propos à Marcel Pagnol repose sur une esthétique du cinéma pur qui ne l'intéressait pas.
Le genre romanesque n'est sans doute pas celui que Pagnol a abordé avec le plus de bonheur, bien que L'Eau des collines retrouve l'un des thèmes profonds de la terre provençale. Cet amour du pays, on le relève également dans les Souvenirs d'enfance, où il s'associe aux transfigurations de la mémoire. A cet égard, La Gloire de mon père constitue une œuvre remarquable. Marcel Pagnol y évoque la figure de ce père instituteur, qui disposait d'une culture étendue, savait communier avec la nature et possédait une haute conscience morale. Et l'enfant était comme ébloui lorsqu'il le suivait par la garrigue matinale. A la Bastide Neuve, Marcel Pagnol a connu le bonheur auprès de ceux qui l'entouraient. Car il y avait encore là sa mère, toute tendresse, et l'oncle Jules, d'une sagacité sans égale. Ces êtres réels, il les a aimés, mais à mesure qu'ils s'étaient éloignés dans le temps, ils s'étaient selon l'excellente remarque de Bernard de Fallois, transformés en personnages. Et dans le récit qu'il a fait de scènes vraies, le mémorialiste prend autant de plaisir que le romancier qui laisse courir son imagination, il est d'une certaine façon aussi libre. Pagnol a dit : « Si j'avais été peintre, je n'aurais fait que des portraits ». Ceux qu'il a tracés des personnages de son enfance restent merveilleusement vivants.
Sur sa tombe, en guise d'épitaphe, figure une citation du poète latin Virgile : « FONTES AMICOS UXOREM DILEXIT (Il a aimé les sources, ses amis, sa femme) »