PASCAL Blaise: Biographie et analyses des oeuvres

Blaise Pascal - Présentation des Pensées

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Pascal, " "cet effrayant génie" comme le qualifiait Chateaubriand, s’est illustré dans des domaines très divers: les mathématiques, les sciences théoriques et expérimentales, la théologie, l'apologétique et la philosophie avec toujours dans sa démarche le souci du destinataire. Son oeuvre intervient dans ces temps troublés par des conflits qui ont déchiré les XVIème et XIIème siècles, le schisme protestant, la Contre-réforme, la la querelle des jansénistes et des jésuites et aussi et surtout l’affirmation de la pensée des libertins

Fragment 10 (Ordre): "les hommes ont mépris pour la Religion. Ils en ont haine et peur qu’elle soit vraie; pour guérir cela, il faut commencer par montrer que la religion n’est point contraire à la raison, vénérable, en donner respect.
La rendre ensuite aimable, faire souhaiter aux bons qu’elle fût vraie et puis montrer qu’elle est vraie.
Vénérable parce qu’elle a bien connu l’homme.
Aimable parce qu’elle permet le vrai bien.
")

Les Pensées, ou devrait-on dire les notes de Pascal pour une Apologie de la religion chrétienne, ne sont en fait que les notes d'un ouvrage qu'il n'a pas eu le temps de finaliser, et qui ne relève pas de la théologie rationnelle, bien qu'elle s'adresse à des lecteurs nourris de philosophie et épris de sagesse antique. Le fragment 10 précité a précisément cet intérêt de désigner les destinataires de l’oeuvre : ce sont forcément les athées, les libertins, les sceptiques; en bref tous ceux qui doivent être éveillés ou qui sont à convertir pour les délivrer de la misère de l’homme sans dieu et de la vérité de la religion catholique. Cette oeuvre insaisissable semble au premier abord rebelle à toute entreprise herméneutique. Ceux qui s’y sont essayé ont rencontré un premier problème, celui de l’ordre des textes. Aujourd’hui, le mystère de l’ordre des Pensées est éclairci grâce aux deux copies, récemment découvertes, du classement proposé par Pascal. Désormais en possession d’un véritable texte, le lecteur peut entreprendre sa quête.
Manifestement, Pascal n’avait pas encore choisi de forme littéraire définie pour son oeuvre (le Fragment?, l'Apologie?, le Dialogue?, l'Essai?); c’est pourquoi les fragments regroupés présentent un aspect inachevé. Mais s'il n’est pas possible de classer l’ouvrage avec précision, il n'en reste pas moins que par sa composition fragmentée cette oeuvre très particulière permet au lecteur de se promener dans le texte, rien n'obligeant à une lecture linéaire.

L'objectif de Pascal est de forcer l’incroyant à chercher. Face à l’alternative de l'éradication des passions ou de leur régulation, Pascal choisit cette dernière voie, avec pour stratégie de retourner contre la nature le jeu de la nature elle-même. Plus encore que d’une régulation, il s’agit bien d’une conversion. Pour cela, la voie royale est celle de la raison, et par là même celle de la volonté, qui gouverne la raison. L’incroyant ne peut guère être atteint par la persuasion seule. Convaincre sa raison est crucial. Et Pascal ne ménage pas son éloquence, et va même jusqu’à malmener le lecteur pour ruiner sa confiance d’homme déchu. Le projet rationnel de Pascal est d’établir l’idée selon laquelle la religion chrétienne est plus conforme à la raison que l’athéisme. Certes, seul Dieu peut donner la foi, mais l’apologiste entend retourner la raison contre elle-même. Son étonnante ambition consiste à légitimer rationnellement l’abandon de la raison à un mouvement irrationnel, ce dernier étant susceptible d’être converti en seconde nature – un des thèmes privilégiés de Pascal.


Héritier des apologistes qui l'ont précédé, Pascal n’a pas réellement développé de nouveaux arguments dans son ébauche de ce qui aurait pu être une Apologie. Son originalité va résider non pas dans le fond mais dans la forme, forme si importante qu’elle peut conférer un sens nouveau à un contenu, le modifiant du tout au tout, comme le rappelle le fragment 575:
"Qu’on ne dise pas que je n’ai rien dit de nouveau: la disposition des
matières est nouvelle. Quand on joue à la paume, c’est une même balle
dont joue l’un et l’autre, mais l’un la place mieux.
J’aimerais autant qu’on me dît que je me suis servi des mots anciens. Et
comme si les mêmes pensées ne formaient pas un autre corps de
discours par une disposition différente, aussi bien que les mêmes mots
forment d’autres pensées par leur différente disposition.
"

Ce projet ébauché d'une oeuvre qui se présente sous forme de fragments et réunis sous le titre de Pensées est avant tout une anthropologie qui construit un propos à partir de l’observation de l’homme. Connaisseur de l’âme humaine, l’apologiste n’ignore pas que la fin de nos actions est le plaisir, et non la raison. Or la vérité n’est pas naturellement aimable ; elle est même souvent haïssable. Mais si dire le vrai n’est pas une stratégie, l’éloquence ne permet pas nécessairement d’aboutir à ses fins, et du reste, Pascal lui même précise que l'affectation de l'éloquence nuit à l'éloquence. La difficulté s’accroît lorsque Pascal constate que la mode de son époque, celle d’exalter le naturel à des fins persuasives, est ambiguë dans la mesure où le naturel n’est qu’une construction réglée du discours. Rien n’est en réalité moins libre que la nature. Enfin, la nature humaine, infiniment fluctuante, nous plonge dans une incertitude sans fin. Tous ces obstacles conduisent à la conclusion d’une impossibilité formelle de raisonner dans l’abstrait et à la nécessité de prendre en compte la diversité du réel.

Pascal s'attache à montrer que la condition humaine ne peut être comprise qu'à la lumière de l'Ecriture, qui révèle l'histoire de l'homme, celle d'un être déchu. Pour lui, la philosophie stoïcienne d'Epictète pèche par orgueil en affirmant que nous sommes capables de faire notre salut nous-mêmes. De même, il critique le scepticisme de Montaigne, qui reconnaît l'impuissance de l'homme mais qui s'en accommode trop. Tous deux attribuent à tort les faiblesses et les forces de l'homme à une prétendue "nature humaine". Pascal, qui y voit l'échec de la philosophie, se tourne vers la foi. Ce qui détourne Pascal de l'ambition philosophique, notamment de la pensée de Descartes, à qui il reproche sa confiance en une raison capable de vérité, c'est que la satisfaction suprême, selon lui, ne saurait provenir de la connaissance, même parfaite, de la nature. Du reste, la science de la nature, ou "philosophie naturelle", ne conduit nullement à la certitude, encore moins à la sagesse. Prétendant légiférer sur la conduite, les philosophes ne connaissent ni la matière dont le corps est composé ni la structure de l'Univers, et leurs querelles portent sur le concept même du souverain bien. La raison devrait renoncer à rechercher le fond des choses pour orienter l'existence.

Dans ses fragments, Pascal souligne la misère de l'homme privé de Dieu, se dissimulant, par le divertissement, sa tragique condition. C'est seulement en Dieu que l'homme peut trouver un véritable ancrage spirituel. Encore ce Dieu n'est-il plus celui des philosophes, mais le " Dieu d'Abraham, Dieu d'lsaac, Dieu de Jacob ", devant qui tremble le pécheur angoissé de son salut éternel. Par cet approfondissement du vécu subjectif, Pascal apparaît comme le " père " des philosophies de l' existence.

En très très bref les idées fondamentales de Pascal sont les suivantes :
• le coeur (latin cor, viscère, ensuite siège du sentiment), conçu comme connaissance immédiate et intuitive, participant de l'affectivité et nous permettant de saisir les premiers principe les axiomes, Dieu ; il est la faculté du particulier et de l'individuel ;
• la Raison, pensée discursive et faculté de l'universel (les connaissances du coeur sont plus fermes que les connaissances de la raison, laquelle doit se soumettre) ;
• le divertissement, envisagé comme tout ce qui détourne l'homme de découvrir son néant, aussi bien les amusements (chasse, sport, danse,. . .) que les occupations difficiles et sérieuses (diplomatie, commerce. . .).

Postérité de l'oeuvre:
Au XVIIIe siècle, la critique philosophique s'attaque à Pascal car il s'intéresse aux problèmes métaphysiques, vaines spéculations selon les philosophes des Lumières, ceux-ci n’acceptant que la raison comme faculté d'analyse et critiquant les religions révélées.
Au XIXe siècle, Chateaubriand réhabilite Pascal. On apprécie en lui l’introspection, la méditation, l’insistance sur la tension de l’homme vers l’infini et les valeurs du christianisme, au centre de la pensée romantique .
Depuis, Pascal est toujours étudié et apprécié aussi bien pour ses ouvrages philosophiques que pour ses études sur les mathématiques. (NB: On a du reste a inventé en informatique un langage dénommé langage Pascal qui s’inspire de ses études.)


Source: G F

Études sur l'oeuvre de Pascal


 

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