ZOLA Émile: Biographie, études et analyses des oeuvres

ZOLA Émile

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La description: une nécessité de savant et non un exercice de peintre

Pour deux raisons principales les romans de Zola ont d'abord été mal accueillis par le public du siècle, comme il l'explique dans L'Oeuvre. On lui reprochait d'une part ses trop longues descriptions qui ralentissaient le récit et jugées ainsi comme "superflues". D'autre part, on comprenait mal, après le romantisme, que la réalité puisse être retranscrite aussi crûment que dans ses romans. (rappel du sujet) Pour lui en effet, la description est "une nécessité de savant" et non un "exercice de peintre". On est alors en droit de se demander quel est le rôle exact que joue la description dans les romans naturalistes de Zola ou de Maupassant.

Une nécessité de savant
Si les écrits de Zola ont été si mal compris en leur temps, c'est surtout parce que celui-ci clamait haut et fort que son métier ressemblait à celui du scientifique. Décrire n'est pas pour lui un morceau de bravoure, c'est une méthode employée afin de comprendre l'influence du milieu sur les personnages tout en permettant de donner un sens aux détails en apparence anodins.

Un indicateur du milieu
Comme Balzac souhaitait montrer l'influence du milieu sur ses personnages romanesques, Zola, en tant que chef de file du mouvement naturaliste, considère que le travail de l'écrivain doit être fondé sur l'observation du milieu des personnages (c'est pourquoi on découvre à travers les Rougon-Macquart des milieux sociaux et géographiques très différents, tout comme chez Maupassant qui, dans Bel-Ami, s'attache à décrire avec minutie le milieu du journalisme parisien). Tous les romans sont ainsi ancrés dans un espace très limité par le romancier qui entend en faire une étude exhaustive.

La science du détail
La description semble une technique d'écriture de prédilection pour rendre compte de tout ce qui peut expliquer un personnage dans son milieu ; elle s'attache en effet à mettre en relief certains détails qui peuvent paraître anodins mais qui sont pourtant autant de clefs de compréhension de la psychologie des personnages. L'intérieur où vivent les personnages sont tout particulièrement révélateurs.

Le rôle de la description
La description n'est pas uniquement le meilleur moyen de passer en revue les détails qui expliquent les personnages. Elle est surtout un moteur pour la narration : elle lui permet de prendre tout son sens à travers les détails évoqués. Dans La Curée par exemple, on peut mettre en parallèle les deux descriptions de l'Ile Saint-Louis, où vit le père de Renée, et la maison Saccard. Dans l'une on remarque le réseau sémantique de la froidure et du noir, dans l'autre abondent les termes exprimant la lumière et la brillance.

Dans un premier temps, la description peut bien apparaître comme le résultat d'une analyse qui se veut scientifique. Il n'en reste pas moins qu'elle est accomplie par un écrivain, un artiste.

Une oeuvre d'art
La description n'est pas uniquement un outil mis au service du "savant" que doit être le romancier. Elle est avant tout un moyen d'écriture que le romancier emploie pour appuyer son style. La description permet en effet aux écrivains de "filmer" leur temps, d'en faire des tableaux esthétiques tout en conservant une certaine subjectivité.

Les perspectives
Ce qui fait avant tout des descriptions d'un Zola ou d'un Maupassant, ce sont les perspectives originales qu'ils utilisent pour décrire leur temps. Dans des romans comme Une page d'amour ou La Bête humaine, Zola décrit à des nombreuses reprises Paris vu d'un haut. Ce schéma se reproduit également dans La curée lorsqu'Aristide Saccard contemple Paris dans le restaurant des Buttes-Chaumont. On trouve également chez Zola la perspective inverse, comme lorsque Gervaise observe Coupeau dans ses journées de travail, c'est-à-dire sur les toits.

L'impressionisme naturaliste
L'amitié de Zola pour des peintres comme Cézanne ou Manet n'est sans doute pas pour rien dans le fait que ses descriptions ressemblent parfois à des tableaux impressionnistes. Dans les descriptions de Maupassant ou de Zola on trouve en effet des gros plans insolites comme ceux de Degas (pour la nudité). Leurs descriptions sont aussi dominées par le pointillisme : on relève les détails comme autant de points qui forment à eux tous un tableau.

Des oeuvres visionnaires
L'oeuvre d'art ne se contente pas d'être œuvre d'art, elle devient également une vision du monde subjective. Les tableaux descriptifs des naturalistes ne sont pas uniquement des photographies de la réalité, ils expriment au contraire toute la subjectivité de celui qui observe. Un roman comme La Bête Humaine traduit avant tout l'importance que prend au yeux du siècle les locomotives (et par extension tout le progrès technique). Elles fascinaient les français du XIXème siècle, elles exerçaient un pouvoir sur eux comparable, dans une certaine mesure, à celui que la Lison exerce sur Jacques.

l'exercice de peintre auquel s'adonnent certains romanciers naturalistes dans leur description rejoint rapidement "la nécessité du savant". C'est par les perspectives nouvelles et le pointillisme des impressionnistes que Zola ou Maupassant peuvent exprimer leurs visions du monde.

Contrairement à ce que proclame Emile Zola, la description semble être tout aussi bien "une nécessité de savant", puisqu'elle permet de comprendre les personnages par leur milieu, qu'un "exercice de peintre", rappelant souvent les tableaux impressionnistes. Son rôle ne semble donc pas limiter à l'une ou à l'autre fonction. Par son caractère scientifique et par sa poésie, elle est à la fois un moteur du récit et le fondement du style de l'écrivain. On peut penser que les descriptions naturalistes sont autant de visions du monde qui, comme tout art, font une place au "tempérament" de l'écrivain.


Source: http://membres.lycos.fr/coinlitteraire/bacfr2/sujet3.html

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