SARTRE Jean-Paul: Biographie et analyses des oeuvres

SARTRE Jean-Paul: Biographie et analyses des oeuvres

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Philosophie et littérature


Philosophie
Le travail philosophique de Sartre est marqué par l'école phénoménologique allemande qu'il découvrit à Berlin dans les années trente. La Transcendance de l'ego, publié en 1937, témoigne déjà de son intérêt pour cette approche, puisqu'il y critique la notion de sujet transcendantal telle qu'elle apparaît chez Kant et chez Husserl. Sartre considère qu'on peut faire l'économie d'un concept de «je» comme principe d'unification fondateur de la conscience d'objet. Cet intérêt pour la phénoménologie est aussi apparent dans ses œuvres consacrées à l'Imagination (1936) et à l'Imaginaire (1940). Le premier de ces textes était envisagé par Sartre comme une introduction au second, il se présente comme un examen critique des théories de l'image de Descartes, Spinoza, Leibniz, des théories psychologiques ayant un fondement empirique proposées par Taine, Ribot et enfin Bergson. Le second de ces textes présente une théorie de la conscience imageante (c'est-à-dire productrice d'images). L'imaginaire est une disposition de la conscience intentionnelle qui consiste à former des images en s'extrayant du réel, qui est l'objet de la perception. Sartre insiste sur la fonction irréalisante de la conscience imageante et l'oppose fermement à la conscience perceptive. En effet, l'objet de la première est absent, alors que celui de la seconde est présent. Sartre soutient que ces deux types de conscience ne peuvent être mis en œuvre simultanément.
L'œuvre philosophique la plus célèbre de Sartre est certainement l'Être et le Néant qui est une réflexion sur les rapports entre la conscience et la liberté. Sartre élabora ses thèses à travers un dialogue et une réélaboration des pensées de Hegel, Husserl et Heidegger. Dans son surgissement premier, la conscience a à la fois conscience d'être et conscience qu'elle n'est pas ce dont elle a conscience. Cette étape est celle du cogito (voir Descartes, René) pré réflexif. Sartre appelle l'en-soi ce qui est et que la conscience appréhende comme différent d'elle-même. L'en-soi est pure coïncidence avec lui-même. Ce qui caractérise, en revanche, la conscience, c'est l'être pour-soi, à savoir la distance par rapport à soi-même. L'être propre de la réalité humaine, qui se présente sur le mode de l'attente, de l'angoisse et du regret, est remise en cause de son être en tant que réalité, c'est-à-dire négation de l'en-soi. Dans cette négation, le pour-soi se saisit comme liberté en faisant l'expérience de l'indétermination des possibles. La liberté est vécue comme angoisse. À ce moment, la conscience fait l'expérience de la mauvaise foi et de l'esprit de sérieux, qui sont deux façons de fuir la liberté. Cette analyse débouche sur une pensée de la nécessité de la liberté et de la situation historique de l'homme. L'étape suivante consiste à examiner le statut d'autrui dans la constitution de la conscience. J'affronte l'existence d'autrui, ce non-moi qui n'est pas un objet, dans l'expérience du regard. Le regard de l'autre m'objective et me dépossède du monde. Le fondement de la relation à autrui est le conflit.
Le succès de la philosophie de Sartre en France et la diffusion de sa pensée dans les programmes scolaires ont éclipsé toute la tradition philosophique d'avant-guerre en France, notamment la philosophie réflexive, développée par Jules Lagneau (1851-1894) puis, en philosophie morale, par Jean Nabert (1881-1960), au profit de la philosophie existentielle et de la phénoménologie de Heidegger revisitées par Sartre.

Littérature
Bien qu'il apparût souvent comme un virtuose de l'expression littéraire, Sartre, qui refusa le prix Nobel de littérature en 1964, ne s'est voulu un écrivain que dans la mesure où il souhaitait mettre ses thèses philosophiques en lumière. On comprend dans ces conditions qu'il ait été attiré autant par le théâtre — Huis Clos (1944), la P…[putain] respectueuse (1946), et les Séquestrés d'Altona (1959) —, que par le roman — la Nausée (1938) et le cycle romanesque les Chemins de la liberté, demeuré inachevé, comprenant l'Âge de raison (1945), le Sursis (1945) et la Mort dans l'âme (1949) qui raconte, dans un style inspiré notamment par l'écrivain américain John dos Passos, l'itinéraire d'un homme durant la Seconde Guerre mondiale —, genre qui lui permettait de mettre en scène aussi bien le raisonnement que l'émotion. Sans être à proprement parler un théoricien de la littérature, il mena, parallèlement à sa carrière de philosophe et d'écrivain, une activité de critique littéraire qui le conduisit notamment à publier un essai où il proposa une définition de la littérature en termes de morale existentialiste (Qu'est-ce que la littérature, 1947), un livre sur l'écrivain français Jean Genet, Saint Genet, comédien et martyr (1952), ainsi qu'une étude sur Flaubert (l'Idiot de la famille, 1971-1972), véritable «psychanalyse existentielle» dont le projet avait été annoncé dans l'Être et le Néant. Or, à travers la volonté de créer «une anthropologie nouvelle qui rende compte de l'homme — d'un homme — dans sa totalité», en l'occurrence des fantasmes et de la névrose de Flaubert, Sartre se projette lui-même en tant qu'écrivain, cessant, pour la première fois peut-être, d'être en prise directe avec les grands débats d'idées contemporains.

Source: A N I




 

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