PONGE Francis: Biographie, études et analyses des oeuvres

PONGE Francis

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Principales oeuvres
Le Parti pris des choses (1942)
Proêmes (1948)
La Rage de l'expression (1952)
Le Grand Recueil : I. "Méthodes" (1961) ; II. "Lyres" (1961) ; III "Pièces" (1962)
Pour un Malherbe (1965)
Le Savon (1967)
Entretiens avec Philippe Sollers (1970)
La Fabrique du Pré (1971)
Comment une figue de parole et pourquoi (1977)
Pratiques d'écriture
Œuvres complètes, La Pléiade volume I (janvier 1999) ; volume II (août 2002) ; Gallimard, Paris.
Pages d'atelier (1917-1982, 2005) ; Gallimard, Paris (Ensemble de textes inédits).

Gros plan sur Le Parti pris des choses (1942) :
Le titre du recueil est en même temps un manifeste. Francis Ponge a défini ainsi le principe de son écriture du Parti pris des choses : c'est avant tout donner l'initiative aux choses, les laisser s'exprimer.
Il s'agit pour lui de remplacer chaque objet par une « formule » de langage qui lui soit exactement adéquate. Pour ce poète artisan, toutes les choses sont également dignes d'être « exprimées ». C'est pourquoi le recueil s'attache à décrire des objets simples, quotidiens ordinairement ignorés par la tradition poétique. Le lyrisme n'y a aucune place, mais toute l'attention est portée à l'écriture. Ponge a d'ailleurs avoué sa prédilection pour les poètes classiques, comme Malherbe, épris de la pureté des formes. Dans ses poèmes, aucun mot ne figure au hasard ; il est choisi pour ses affinités graphiques ou sonores avec la chose qu'il doit exprimer.
Dans un article célèbre, Jean-Paul Sartre a salué la naissance d'un poète « phénoménologue ». Il célébrait la construction de ces courts poèmes qui mêlent indifféremment les êtres humains et les choses inanimées. Il reconnaissait à Francis Ponge « le sens du fantastique moderne ».
« L'huître » est l'un des poèmes les plus célèbres du recueil.


Extraits du Parti pris des choses :
L'huître
L'huître, de la grosseur d'un galet moyen, est d'une apparence plus rugueuse, d'une couleur moins unie, brillamment blanchâtre. C'est un monde opiniâtrement clos. Pourtant on peut l'ouvrir : il faut alors la tenir au creux d'un torchon, se servir d'un couteau ébréché et peu franc, s'y reprendre à plusieurs fois. Les doigts curieux s'y coupent, s'y cassent les ongles : c'est un travail grossier. Les coups qu'on lui porte marquent son enveloppe de ronds blancs, d'une sorte de halos.
À l'intérieur l'on trouve tout un monde, à boire et à manger : sous un firmament (à proprement parler) de nacre, les cieux d'en dessus s'affaissent sur les cieux d'en dessous, pour ne plus former qu'une mare, un sachet visqueux et verdâtre, qui flue et reflue à l'odeur et à la vue, frangé d'une dentelle noirâtre sur les bords.
Parfois très rare une formule perle à leur gosier de nacre, d'où l'on trouve aussitôt à s'orner.
Francis Ponge, Le Parti pris des Choses, 1942.

Le mimosa
Sur fond d'azur le voici, comme un personnage de la comédie italienne, avec un rien d'histrionisme saugrenu, poudré comme Pierrot, dans son costume à pois jaunes, le mimosa.
Mais ce n'est pas un arbuste lunaire : plutôt solaire, multisolaire...
Un caractère d'une naïve gloriole, vite découragé.
Chaque grain n'est aucunement lisse, mais formé de poils soyeux, un astre si l'on veut, étoilé au maximum.
Les feuilles ont l'air de grandes plumes, très légères et cependant très accablées d'elles-mêmes ; plus attendrissantes dès lors que d'autres palmes, par là aussi très distinguées. Et pourtant, il ya quelque chose actuellement vulgaire dans l'idée du mimosa ; c'est une fleur qui vient d'être vulgarisée.
... Comme dans tamaris il y a tamis, dans mimosa il y a mima.
Francis Ponge, Le Parti pris des Choses, 1942.

Le pain
La surface du pain est merveilleuse d'abord à cause de cette impression quasi panoramique qu’elle donne : comme si l'on avait à sa disposition sous la main les Alpes, le Taurus ou la Cordillère des Andes. Ainsi donc une masse amorphe en train d'éructer fut glissée pour nous dans le four stellaire, où durcissant elle s'est façonnée en vallées, crêtes, ondulations, crevasses... Et tous ces plans dès lors si nettement articulés, ces dalles minces où la lumière avec application couche ses feux, - sans un regard pour la mollesse ignoble sous-jacente. Ce lâche et froid sous-sol que l'on nomme la mie a son tissu pareil à celui des éponges : feuilles ou fleurs y sont comme des sœurs siamoises soudées par tous les coudes à la fois. Lorsque le pain rassit ces fleurs fanent et se rétrécissent : elles se détachent alors les unes des autres, et la masse en devient friable... Mais brisons-la : car le pain doit être dans notre bouche moins objet de respect que de consommation.
Francis Ponge, Le Parti pris des Choses, 1942.

Le cageot
À mi-chemin de la cage au cachot la langue française a cageot , simple caissette à claire-voie vouée au transport de ces fruits qui de la moindre suffocation font à coup sûr une maladie.
Agencé de façon qu'au terme de son usage il puisse être brisé sans effort, il ne sert pas deux fois. Ainsi dure-t-il moins encore que les denrées fondantes ou nuageuses qu'il enferme.
À tous les coins de rues qui aboutissent aux Halles, il luit alors de l'éclat sans vanité du bois blanc. Tout neuf encore, et légèrement ahuri d'être dans une pose maladroite à la voirie jeté sans retour, cet objet est en somme des plus sympathiques, — sur le sort duquel il convient toutefois de ne s'appesantir longuement.
Francis Ponge, Le Parti pris des Choses, 1942.


Source: http://www.espacefrancais.com/francis-ponge.html



 

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