BARBEY D'AUREVILLY Jules Amédée: Biographie & analyses

BARBEY D'AUREVILLY Jules Amédée: Biographie & analyses

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Barbey Barbey d'Aurevilly (Jules Amédée)
(Saint-Sauveur-le-Vicomte, 2 novembre 1808 - Paris, 23 avril 1889)

Peu d’auteurs ont autant que Barbey desservi leur propre cause. L’homme et l’écrivain semblent avoir noué un pacte fatidique avec Satan. La démesure et la contradiction règnent en maîtres au sein d’un jeu masochiste dont il énonce d’emblée la tonalité : « Je suis venu au monde un jour d’hiver sombre et glacé, le jour des soupirs et des larmes, que les Morts, dont il porte le nom, ont marqué d’une prophétique poussière… J’ai toujours cru que ce jour répandrait une funeste influence sur ma vie et sur ma pensée. »


Un dandy

L’attitude sociale – ou plutôt « intramondaine » – de Barbey d’Aurevilly est celle d’un dandy vivant très au-dessus de ses moyens, d’un monarchiste décadent qui martèle à l’envi l’éloge de valeurs révolues, d’un catholique militant jusqu’à l’excès, d’un aristocrate qui fouille et exhibe à plaisir les vices de l’aristocratie. Tour à tour conteur, épistolier, fabuliste, romancier, discoureur impénitent, critique littéraire et artistique, il s’inscrit comme le contempteur insatiable de son époque et traverse tout le xixe siècle à la façon d’un connétable déchu, dont l’audace frise à tout instant l’outrance.


Le milieu littéraire

Ses antipathies littéraires sont farouches : Hugo, Zola, les Goncourt et, de façon plus nuancée, Flaubert. Son admiration va sans réserve à Balzac ; mais c’est en Byron et surtout en Walter Scott qu’il reconnaît ses principales sources d’inspiration (« Être le Walter Scott normand »)… Cette filiation n’est du reste pas sans avoir contribué au malentendu tenace de sa fortune critique : un goût prononcé pour le Moyen Âge, une fascination pour les vieilles légendes du terroir cotentinais et pour le patois de leur narration, un enracinement têtu dans ce paysage mi-réel, mi-fantasmagorique où s’entremêlent, sur la lande brumeuse, les ombres de la sorcellerie et celles de la chouannerie, tout donne de lui l’image d’un écrivain régionaliste, pittoresque, au style par trop recherché allant jusqu’à la préciosité et à la boursouflure, au mieux, un « romantique attardé ».
Ses premiers romans ne rencontrent guère que l’indifférence, les suivants un intérêt mitigé, hormis chez Baudelaire qui admirera L’Ensorcelée, publié en 1852, à plus de quarante ans. Condamné à vivre du journalisme, son arrogance et sa verve ne sont pas du goût de tous. Il est craint ou méprisé. Il lui faudra attendre 1874, avec Les Diaboliques, pour trouver un fort écho public, mais ce sera celui du scandale, avec l’anathème de l’immoralité et le joug de la censure.

Un théâtre de la cruauté voluptueuse

On a souvent observé la présence plus ou moins masquée d’autoportraits (sous forme masculine ou féminine) dans les héros de ses romans. Mais l’essentiel de l’œuvre n’est ni dans le personnage que campe Barbey dans sa vie réelle, ni dans ceux dont il peint l’âme, le cœur – et le corps – dans les histoires qu’il conte. Sa singularité réside bien davantage dans la récurrence de ses thèmes : la passion amoureuse dissimulée – celle qui brûle et qui glace (thème racinien s’il en est…) – la vengeance absolue qui traverse le temps, l’infanticide, l’inceste, le crime enfin qui lie indissolublement un couple, tout un théâtre de la cruauté voluptueuse qui se joue derrière des rideaux soulevés un à un, ménageant des surprises, tant celle du blasphème, que nous attendions, que celle de la rédemption, que nous attendions moins.
Mais ce goût de la révélation progressive, cette « esthétique de l’étonnement » (comme l’appelle Jacques Petit) est en effet une esthétique. Barbey, et c’est là sa modernité, déconstruit en permanence le récit, même s’il paraît nous en tracer la chronologie. Il insère systématiquement l’évocation : noms de lieux, portraits, paysages, traces, remémorations… Proust ne s’y est pas trompé, qui rapprochait les fragments disjoints de « la sonate de Vinteuil » de l’évocation aurevillienne et caractérisait un style par l’insistance répétitive de phrases types dont l’auteur n’a pas forcément une conscience claire.

Au soir de sa vie, le « connétable des Lettres » fut enfin reconnu et célébré par le jeune mouvement symboliste : Léon Bloy, Huysmans…mais aussi Anatole France, François Coppée… et considéré avec attention par Mallarmé, puis par Barrès, enfin par Gide, non sans quelque méprise dans certains cas. Peut-être resterait-il aujourd’hui à tenter une psychanalyse, non de l’homme mais de l’œuvre, par le biais du faisceau lumineux qu’elle projette sur les ténèbres de notre inconscient.


Source: http://www.presence-litterature.cndp.fr/index.php?id=90




 

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