LA FONTAINE Jean de: Biographie et analyses des oeuvres

LA FONTAINE et le genre de la fable

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On ne peut qu'insister sur la diversité des œuvres de La Fontaine : il a d'abord adapté L'Eunuque de Térence, a collaboré à des spectacles de Cour, a écril le roman-promenade des Amours de Psyché et de Cupidon et les Contes et s'est essayé à la poésie allégorique, mythologique et religieuse. Mais, pour la posté¬rité, il est avant tout l'auteur qui a renouvelé la tradition antique de l'apologue.
Celui-ci se définit très simplement comme un récit orienté, illustrant une « vérité », la plupart du temps condensée dans une morale. On connaît les fables d'Ésope, ou attribuées à Ésope, constituées d'un récit sobre et en prose, et d'une brève morale pratique. On sait que Phèdre aménage déjà cette forme en choisis¬sant le vers (séduire pour convaincre) et en recherchant l'élégance concise de la conversation. L'œuvre d'Ésope avait d'ailleurs été redécouverte peu de temps avant que La Fontaine ne s'intéresse à la fable. Celle-ci, au xvnc siècle, constitue un genre mineur, exclu des arts poétiques, et connaît surtout une fortune scolaire (exercices de traduction et d'amplification). Elle est diffusée par les recueils d'emblèmes et bénéficie, vers les années 1650, d'un regain d'intérêt. C'est ce genre, qui appartient à la tradition érudite, scolaire et morale, que La Fontaine choisit de transformer afin de le mettre au goût du public des «honnêtes gens».
Elle reprend la forme versifiée, inséparable de l'idée d'agrément : le recours aux vers mêlés permet des effets expressifs (liés par exemple au raccourcissement du mètre) et crée une impression de naturel. Il enrichit le récit par rapport à son modèle d'origine, en usant de l'amplification — emploi des différents discours pour caractériser les personnages et digressions du narrateur — et d'un art de la composition très sur. La morale, qui précède parfois le récit de façon à l'orienter, est souvent rejetée à la fin, ce qui permet une révélation par degrés des enjeux de la fable à travers les séquences narratives. Toutefois, en raison même du foison¬nement du récit, il peut apparaître un décalage — à interroger — entre ce dernier et le discours didactique qui le clôt. Dans l'espace resserré de la fable, se déploie fréquemment un jeu complexe de réécriture et d'allusions, qui inscrit le poème dans une pratique intertextuelle consciente de ses effets et du plaisir culturel de reconnaissance qu’elle suscite.
La Fontaine excelle à créer un ailleurs d’une grande séduction. Mais ce lieu de l’imaginaire où les animaus parlent et agissent, constituent aussi le miroir du réel : le détour du conte et de l’allégorie animale offre toute son efficacité à la satire. Philosophie liée à l’épicurisme et un lyrisme personnel qui font oublier la fonction didactique de la fable au profit d’un rayonnement poétique singulier dans sa complexité enjouée.

Source: Le Trouble




 

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