La Commedia Dell'Arte

La Commedia Dell'Arte

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Si nous nous arrêtons à la Commedia dell'Arte, c'est pour la valeur qu'elle a donnée au geste. La commedia dell'arte, en perpétuant la tradition de la pantomime latine, a porté l'art du geste à son plus haut niveau. Elle connaîtra à la fin du XVI° siècle un succès tel, dans l'Europe entière, qu'elle devient le principal mode d'expression théâtrale. Nécessitant un dispositif scénique peu important, souvent se passant même de tréteaux, la comédie est jouée en tous lieux par des comédiens professionnels. La Commedia dell'Arte est un théâtre d'acteurs qui repose sur la virtuosité tant verbale que gestuelle du comédien. Guidé par un canevas qui donne la trame de l'intrigue et répertorie des procédés de métier, le comédien invente à chaque fois un nouveau spectacle dans lequel apparaissent des personnages types bien identifiés par le public. L'improvisation des comédiens n 'est pas pure invention mais combinaison de textes appris et de propos d'opportunité dont beaucoup suscités par le public. Le comédien est détenteur de la réputation des personnages qu'il ne peut trahir sous peine de rendre incompréhensible l'intrigue. Aussi doit-il être fidèle au caractère, au masque, à la gestuelle et au costume de chacun. Qu'en serait-il si le Magnifique était pauvre au lieu d'être riche ? Si Arlequin devenait niais et stupide ? C'est masqué que le comédien se présente au public. La Commedia dell'Arte a développé, avec le geste, toute une sémiotique du masque. Gestes et masques sont interdépendants dans le jeu. Dario Fo nous apprend que le masque que revêtent les comédiens reproduit un imaginaire populaire qui assimile les personnages aux animaux de la basse-cour. C'est suivant le principe de l'analogie que sont associés animaux et personnages. Le Capitan et Pantaleon, personnages fiers et querelleurs, porteront le masque du coq ou du dindon. Arlequin, réputé pour sa finesse d'esprit et son sens de l'intrigue, portera le masque du chat ou du singe. Seuls les gens du peuple sont montrés avec des masques. Les nobles, les chevaliers et les dames, détenteurs du pouvoir, n'en portent jamais. Si les masques sont généralement des demi-masques découvrant le bas du visage, ils peuvent être complets et le recouvrir intégralement. Dans le premier cas, le comédien jouera avec son visage, dans le second cas, le masque est réalisé de façon à produire des tonalités propres à la définition du personnage.

Les comédiens de la commedia dell'arte ont pensé une véritable théorie de la gestuelle, faisant reposer sur celle-ci l'essentiel de l'expression dramatique. La démarche est du plus grand intérêt pour celui qui réfléchit à l'agencement du lieu théâtral. Comment, sans le support d'un lieu à configuration fixe, peut-on reproduire le même jeu sans que le drame ne perde de son intensité ou change de signification ? Sans doute le recours à l'exposé oral permettait-il de dire ce qui devait être dit pour assurer une bonne compréhension des situations -et les comédiens excellent aussi dans l'art de parler. Sans doute le recours à des personnages types impliqués dans des intrigues simples facilitait le jeu des acteurs. Il n'en reste pas moins que les comédiens étaient privés de beaucoup des moyens qui permettent l'expression du drame. Et c'est tout leur mérite d'avoir su développer à travers la gestuelle les conditions d'une véritable expression dramatique. Le mime par lequel s'expriment les comédiens est l'art de communiquer de façon synthétique. Contrairement au langage parlé qui analyse ce qu'il signifie à travers des mots reliés entre eux par la syntaxe, pour signifier le geste doit être donné dans un seul mouvement, nécessairement ample pour être perçu sans ambiguïté. Le mime se base d'abord sur un travail de décomposition-recomposition du geste naturel afin d'en tirer tout le sens potentiel. Il faut réinventer les gestes en partant de la réalité. Il ne s'agit pas d'imiter au plus près de la réalité les gestes naturels, mais bien de faire illusion, d'indiquer, de sous-entendre, de faire imaginer. Le comédien, pour rendre son geste perceptible, sera amené à en exagérer l'ampleur. Il créera ainsi autour de lui un espace dont il est le centre et dont le contour se dessine là où s'arrête le geste. Le comédien doit remplir avec son corps un espace vide d'objets qu'il saisit, qu'il déplace et repose, d'émotions qu'il livre ou qu'il retient. Le comédien doit guider le regard du public sur le geste en concentrant son regard sur la partie de son corps qui l'effectue. Pour ce faire, le corps du comédien s'analyse en partie mobile et en partie immobile. Prenons un personnage qui se déplace prudemment, c'est l'ensemble de son corps qui fera le geste par la position de la tête et du buste qui se tiendront en arrière, des jambes qui se lèveront à la hauteur du bassin et des pieds qui viendront se poser en glissant. Si le personnage fait une découverte qui l'émeut, le corps tout entier deviendra immobile et seul le visage sera porteur d'expression. La gestuelle du mime constitue ainsi autant de séquences qui se déplacent d'une partie du corps à l'autre pour signifier une action qui trouve sa cohérence dans le choix juste du geste. Le corps tout entier à lui seul crée l'espace du drame, sans qu'il y ait lieu de mettre en œuvre décors et machinerie.




 

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