MARIE de FRANCE: Biographie et analyses des oeuvres

MARIE de FRANCE: Biographie et analyses des oeuvres

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(1154-1189)
Marie_de_France On ne connaît presque rien de cette « Marie » qui signe de ce simple prénom trois des œuvres qui lui sont généralement attribuées, composées dans le dernier tiers du XIIe siècle : les Lais (vers 1170), les Fables (vers 1180) et l’Espurgatoire seint Patriz (Le Purgatoire de saint Patrick, vers 1189). Le beau nom de « Marie de France » a été forgé au XVIe siècle par Claude Fauchet, à partir d’un vers de l’épilogue de ses Fables : Marie ai nom, si sui de France (« J’ai pour nom Marie, et je viens de France » – qui désigne peut-être l’Île-de-France). L’attribution de ces trois œuvres au même auteur a parfois été remise en cause, ainsi que l’existence même de cette Marie, mais cette position extrême paraît peu défendable. Plusieurs tentatives d’identification ont été faites – on a songé par exemple à une certaine Marie, abbesse de Shaftesbury et demi-sœur d’Henri II –, mais elles restent de simples hypothèses. Les miniatures qui la représentent dans deux manuscrits des Fables ne sont en rien des portraits : elles ont été réalisées plus d’un siècle plus tard.
Presque tout ce que l’on peut savoir de l’auteure nous est révélé par ses œuvres. Le « noble roi » auquel elle dédie ses Lais est très vraisemblablement Henri II Plantagenêt, roi d’Angleterre de 1154 à 1189, dont la cour était alors un extraordinaire foyer de création littéraire, sous l’impulsion du roi et de son épouse, Aliénor d’Aquitaine. Le « comte Guillaume » à qui elle dédie
ses Fables, qu’elle dit avoir traduites d’un recueil anglais attribué au roi Alfred (IXe siècle), pourrait être Guillaume de Mandeville, comte d’Essex, compagnon d’Henri II. L’Espurgatoire seint Patriz est la traduction assez fidèle d’un texte latin d’Henri de Saltrey, moine cistercien
anglais de la même époque. Ces deux œuvres montrent sa connaissance du latin et de l’anglais.
Elle était manifestement lettrée, connaissant aussi bien Ovide (qu’elle cite) que des œuvres
littéraires de son temps (comme les romans dits « antiques », dont elle semble s’inspirer à
l’occasion)

Elle laisse un Isopet (recueil de fables imitées d'Ésope) et une série de Lais, inspirées de Bretagne, dont douze nous sont parvenus.
-Dans le Lai du Chèvrefeuille, elle évoque Tristan. Chassé de la cour du roi Marc et loin d’Yseult qu’il aime, il apprend qu’elle doit passer dans la forêt où il vit. Il coupe une branche de coudrier, l’élague, la pare, y grave son nom et la plante au milieu du sentier. En la voyant, Yseult devine que son ami est caché dans les sous-bois ; elle y pénètre avec sa suivante. Ils ont un bref entretien où Tristan lui redit s douleur de vivre loin d’elle. Il en est deux comme du chèvrefeuille, lacé autour du coudrier. Ensemble, ils peuvent bien durer ; mais vient-on à les séparer, le coudrier meurt et le chèvrefeuille avec :
"Belle amie, ainsi va de nous :
Ni vous sans moi, ni moi sans vous."
Dans le Lai du Laostic (ou Le lai du Rossignol), un chevalier vient contempler toutes les nuits au clair de lune sa dame accoudée à la fenêtre. Le mari veut savoir pourquoi elle se lève ainsi. Elle lui répond que c’est pour entendre chanter le rossignol. Il le tue. La dame envoie le petit corps à son ami qui le place dans un reliquaire.
-Le Lai d’Yonec inspire L’Oiseau bleu, conte de Mme d’Aulnoye (XVIIe siècle).
Un mari jaloux tient sa femme recluse ; mais elle reçoit consolation d’un mystérieux ami qui vient la voir en empruntant la forme d’un autour. Leur joie les trahi. Un soir, l’oiseau s’enferre sur des broches acérées que le mari a disposées autour de la fenêtre. Il s’enfuit. La dame, éperdue, se jette après lui par la fenêtre et le suit à la trace de son sang. Elle parvient ainsi dans la capitale d’un grand royaume dont son ami est le roi. Avant de mourir, il lui remet un anneau qui bannira dans l’esprit de son mari tout souvenir de cette aventure, et son épée qu’elle devra donner à leur fil, Yonec, quand il sera en âge de le venger. Bien des années plus tard le mari, la dame et Yonec, voyageant ensemble, découvrent dans une abbaye un riche tombeau. Quand la dame apprend que c’est la sépulture de son ami, elle a tout juste la force de révéler à Yonec le secret de sa naissance et meurt en lui tendant l’épée de son père. Yonec tranche avec cette épée la tête du mari jaloux.
-Le Lai des deux amants évoque un roi veuf qui vit avec sa fille et qui l’aime tant qu’il ne veut pas la marier. Pour écarter les prétendants, il fait publier que celui-là seul l’épousera qui la portera sur le dos jusqu’au sommet d’une montagne. La jeune fille, qui aime en secret un jeune homme, se fait donner un philtre afin d’augmenter les forces de son ami lors de l’épreuve. Mais, le jour venu, il refuse de boire le breuvage, mettant son amour-propre à ne devoir qu’à ses efforts le prix de sa victoire. Arrivé en haut de la montagne avec son fardeau, il tombe mort d’épuisement. Elle meurt aussi de douleur.





 

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