RABELAIS François: Biographie, études & analyses des oeuvres

RABELAIS François: Biographie, études & analyses des oeuvres

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Rabelais Chaque génie doit avoir sa légende. François Rabelais, nous dit Antoine Adam, a souffert particulièrement de sa popularité, car son oeuvre, par privilège, a été de tout temps à la portée de tous les lecteurs, et son nom, sur toutes les lèvres. En plus, sa mémoire a connu plus qu’aucune autre la déformation qu’impose la publicité. Les uns le prennent pour un amuseur gras, quelques autres pour un philosophe abscons, mais Rabelais reste à égale distance du penseur altier et du bouffon et la postérité sait de lui assez peu de choses, hormis son oeuvre, car l’homme Rabelais demeure obscur. Les quelques éléments qui nous sont parvenus fournissent une matière suffisante pour ponctuer un itinéraire biographique, qui mérite d’être suivi comme spécialement remarquable, par son individualité, et comme typique, pour l’intéllectuel humaniste du XVI-e siècle.


Un de ses contemporains et camarades de couvent, Pierre Lamy, le définissait à juste raison en 1522, dans une lettre préliminaire à l’Apologie du sexe féminin d’Amaury Bouchard,comme le plus savant des frères franciscains « Eruditissimus sodalium Franciscanorum ».
François Rabelais est né à la Devinière, près de Chinon et appartient au XVe siècle par la date incerte de sa naissance.
Il est né dans une bonne famille d’avocats, il était destiné lui aussi à la robe, mais sans rien savoir de son enfance, on le retrouve moine, en 1520, au monastère franciscain de Fontenay-le Comte, en Poitou. Certainement il était mené dans cette voie par le goût des études, car son apprentissage poitevin est multiple : il étudie le latin et le grec, fréquente un cercle érudit de juristes, il entretient des relations lettrées et savantes, des relations vivantes avec des avocats et des magistrats, il a des curiosités médicales et porte une vive correspondance avec Guillaume Budé* [*secrétaire et bibliothécaire de François I-er, célèbre pour le rôle qu’il a joué dans la création du Collége de France et pour ses travaux sur la littérature grecque, fondateur d’une institution qui fonctionne enore à nos jours, celle du dépôt obligatoire de tout imprimé à la Bibliothéque de Fontainebleau, qui deveindra plus tard la Bibliothéque nationale à Paris]
Rabelais avait déjà écrit une traduction de l’historien Hérodote, lorsqu’en 1523, ses supérieurs lui suppriment ses livres grecs (graecum est non legitur), en obéissant à la Sorbonne, autorité religieuse et universitaire, alertée à l’époque, par la parution d’un commentaire d’Erasme de Rotterdam, l’auteur de l’Eloge de la Folie, sur le texte grec des Évangiles ; les théologiens de la Sorbonne recommandaient d’interdire la lecture des livres grecs, pour éviter le contact avec la pensée des philosophes anciens. Alors, Rabelais, énervé par cette interdiction, quitte l’ordre des franciscains pour entrer chez les bénédictins, afin de pouvoir continuer ses études. Son nouveau couvent est à Poitou, où il se lie avec l’évêque, Geoffroi d’Estissac, dont il devient le secréraire, qui l’emmène dans ses déplacements. Ainsi, Rabelais connaît le monde et les gens et suit les cours de droit de la faculté de Poitiers. Mais, bientôt, il prend une autre voie : il abandonne le droit pour la médecine, qu’il commence à Paris et qu’il continue à Montpellier. C’est à Paris qu’il se lie avec une veuve qui lui deonne deux enfants, jette son froc pour l’habit de prêtre séculier. Il va ensuite à Montpellier, où il est reçu bachelier en médecine à l’Université, en 1530.
Il donne un cours sur le Aphorismes d’Hippocrate et l’Ars parva Galien, éminents médecins de l’Antiquité, dont il explique les traités grâce à ses connaissances de langue grecque, sans recourir aux commentaires habituels en latin.
En 1532, Rabelais est médecin de l’Hôtel-Dieu du Pont du Rhône à Lyon, mais aussi traducteur et écrivain. Il est un grand humaniste, qui brûle du désir de faire connaître les textes anciens. Il est lié avec la société intellectuelle de la ville, il correspond avec Érasme, qu’il appelle le « prince des humanistes » Il publie une traduction d’Hippocrate et celle d’un autre ouvrage médical latin, se fait remarquer pour ses vastes connaissances et, la même année, il fait paraître sous l’anagramme Alcofribas Nasier (bâti sur son nom, François Rabelais) le Premier Livre de Pantagruel, récit des hauts faits peu sérieux d’un géant aux appétits joyaux. À cette date, Rabelais n’est plus jeune, il est un homme de près de cinquante ans qui fait ses débuts dans la littérature.
Il faut savoir que le point de départ du Pantagruel de Rabelais n’est pas original. Il s’inspire d’un ouvrage anonyme, intitulé Les Grandes Chroniques du grand et énorme géant Gargantua qui jouissait à l’époque d’un grand succèes dans les foires commerciales. Rabelais compose Les Horribles et épouvautables faits et prouesses du très renommé Pantagruel, roi des Dispodes, qui est mis en vente en novembre 1532, à la foire de Lyon. Le livre se présente comme une parodie des poèmes chavaleresques, mais le sujet acquiert bientôt des proportions plus larges et se transforme en un roman bizarre, étrange, intintelligible parfois, semé d’impuretés et d’ordures, tout en gardant, par des moments, les qualités d’un chef d’œuvre de sagesse et de raison.
En son ensemble, Les Horribles et epouvautables faits et prouesses du très renommé Pantagruel, roi des Dipsodes est une critique aussi profonde que piquante, non seulement des vices passagers, mais aussi des ridicules de l’humanité tout entière. On y trouve les idées les plus larges sur la guerre, sur les conquêtes, sur les gouvernements des États, sur l’éducation surtout, à côté des folies et les plus divertissantes, des plaisanteries les plus mordantes et les plus inattendues. La plupart des personnages de cete œuvre sont devenus des types.
Le livre est signé «Feu Maistre Alcofribas Nasier, abstracteur de quinte essence *[*abstracteur de quinte essence, c’est à dire alchimiste].
En 1534, comme son premier livre avait joui d’un grand succés, Rabelais fait imprimer La vie trés horrifique du grand Gargantua père de Pantagruel, jadis composé par Alcofribas, abstracteur de quinte essence. En 1546 il publie le Tiers livre des faits et dis héroïques du bon Pantagruel, puis, en 1548, l’édition partielle du Quart Livre des faits et dits héroïques du bon Pantagruel, dont le texte complet paraîtra en 1552. Enfin, le Cinquième et dernier Livre des faits et dits héroïques du bon Pantagruel sera partiellement imprimé en 1562 et complètement en 1564. Mais Rabelais n’était plus de ce monde depuis 1553. L’authenticité du Cinquième Livre, paru partiel en 1562, L’Île sonnante, complet, en 1564, n’est pas assurée.
Devenu en 1534 médecin du cardinal Jean du Bellay, seigneur de Langey, gouverneur du Piémont et cousin du poète Joachim du Bellay, il accompagne son employeur dans tous ses déplacements. Il voyage deux fois à Rome, rêve de tout humaniste. Rabelais parcourt la ville, admire les monuments et parvient à connaître si bien la ville, que plus tard, en 1534, il fera imprimer une Topographie de la Cité Éternelle.
Dans son deuxieme voyage à Rome, il visite le pape Paul III, qui le reçoit d’une manière bienveillante, l’absout du péché d’avoir eu deux enfants, et même plus, lui donne le conseil de reconaître ces enfants comme légitimes et siens ; en même temps, il lui donne l’accord de pratiquer la médecine sauf la chirurgie (à l’époque l’Église interdisait la dissection et la chirurgie aussi, à cause du contact avec le sang), et régularise sa situation ecclésiastique, ce qui devait lui permettre de devenir chanoine du couvent de Saint-Maurs-des-Fossés, près Paris, établissement dirigé par son protecteur, Jean du Bellay. Il n’y réside pourtant que jusqu’en 1537, quand on le retrouve, de nouveau, à Montpellier où il obtient le grade de docteur en médecine.
Continuellement il est poursuivi par la Sorbonne, mais il est protégé par le roi, ce qui lui permet de faire imprimer son Tiers Livre en 1546, alors qu’en 1543 ses deux premiers livres étaient brûlés sur les places publiques. L’opposition entre la royauté et les autorités théologiques était de plus en plus violente. En 1546, l’ami de Rabelais, Étienne Dolet devait être exécuté pour ses principes. Rabelais lui-même avait parfois jugé prudent de se faire oublier.
En 1547, le cardinal emmène une troisième fois Rabelais à Rome, où il assiste aux fêtes organisées à l’occasion de la naissance de Charles d’Orléans, fils d’Henri II, et qu’il relate dans sa Sciomachie.
De retour en France, Rabelais est reçu par le cardinal Jean du Bellay dans sa demeure de Saint Maur, «un paradis de salubrité » et le récompense pour ses services de nouveaux bénéfices, les cures de Saint –Martin de Meudon et de Saint- Christophe-du-Jambet .
Il meurt à Paris le 9 avril 1553, rue des Jardins. Il est enterré au cimetière saint-Paul, que la Révolution devait voir disparaître. Son testament témoigne encore une fois de son esprit railleur : « J e n’ai rien, je suis plein de dettes. Je lègue le reste aux pauvres. »




 

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