MARIVAUX Pierre de: Biographie, études et analyses

MARIVAUX Pierre de: Biographie, études et analyses

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Marivaux De son vrai nom Pierre Carlet de Chamblain, homme discret il se destine d'abord au droit, mais c'est sa rencontre avec Fontenelle qui l'engage dans une carrière littéraire qu'il inaugure avec une comédie en vers le Père prudent et équitable (1712). Partisan passionné des " Modernes", par sa fréquentation des Salons (et en particulier celui de Madame de Lambert, il s'intéresse d'abord au roman et en parodie les formes héroïques et galantes du siècle précédent avec Pharsamon ou les nouvelles folies romanesques (publié tardivement en 1736) puis s'essaie au Burlesque en parodiant Homère et Fénelon: l'Iliade travestie et le Télémaque travesti (tous deux également publiés en 1736), une invitation à ne pas croire au monde idéal de l'épopée

Mis à mal par la banqueroute du financier Law en 1720, veuf en 1723, six ans après son mariage, il se lance par nécessité et avec passion dans le théâtre où il connaît son premier succès avec son Arlequin poli par l'Amour (1720). Suivront de nombreuses autres pièces qui assureront sa renommée de son vivant et jusqu'à aujourd'hui
Au théâtre, il trouve, pour étudier les sentiments amoureux, une forme spirituelle, un peu précieuse, qui a reçu le nom de Marivaudage; le marivaudage n'est pas un jeu frivole; il exprime, à travers l'aspiration au bonheur, l'ambiguïté des rapports humains (maître et valet, amant et amante).
Son théâtre est attentif à ce qui, dans la société, va mal. En ce sens, on peut parler à propos de l'oeuvre théâtrale de Marivaux de théâtre social : c'est la comédie transposée dans le cadre des rapports sociaux, c'est le monde vu comme un théâtre, ramené à une scène de théâtre, conception baroque, shakespearienne, une conception qui s'applique au roman du XVIIIème siècle comme Les Liaisons dangereuses de Laclos par exemple. Ainsi, sans avoir l'air d'y toucher, il pose des questions cruciales et quelquefois douloureuses; sensible aux inégalités sociales et au sort réservé aux femmes, Marivaux les dénonce avec une certaine audace ( L'Île des esclaves 1725 ou la Colonie, 1750). L'univers imaginaire des palais et des îles n'est pas seulement une évasion loin des cadres un peu rigides de la société française, c'est un monde où l'on peut formuler les interrogations les plus secrètes de la société, celles qu'on ne pourrait exprimer sans scandale dans un Salon.
Molière, dans ses comédies, n’avait accordé à l’amour, comme moyen d’action, qu’un rôle tout à fait épisodique, et, s’il avait été jusqu’à décrire les désordres de la passion, cela était surtout pour en montrer le ridicule. Ses successeurs immédiats : Regnard, Dancourt, en avaient usé comme lui. Avec Marivaux, l’amour prend au théâtre une place prépondérante. Dans ces comédies si légères et si discrètement sensuelles, c’est l’amour seul qui est en jeu. L’auteur, avec un soin minutieux et une profondeur remarquable d’analyse, nous en montre toutes les nuances. Il sait peindre avec une touche d’une délicatesse infinie ces premiers ravages que la passion naissante exerce dans les coeurs, et dont, naturellement, on ne s’aperçoit guère qu’ensuite, lorsque le mal est déjà fait. Il suit pas à pas le développement et les progrès de cet amour dans les âmes jeunes. Il nous fait assister aux premiers sursauts de l’amour-propre honteux de s’être laissé surprendre; il met aux prises, pour la plus grande joie de notre esprit, la coquetterie avec la véritable tendresse. Excellent, surtout dans l’esquisse des caractères féminins, il sait découvrir la sincérité profonde sous la plus adroite dissimulation, et la sensibilité cachée sous le masque de l’indifférence.
Marquée par une éblouissante maîtrise des dialogues, pleins de subtilité et de légèreté, de jeux de mots, de jeux sur le double sens et sur l'équivoque des termes, par l'emploi éminemment théâtral qu'il fait des thèmes du déguisement et du masque, l'oeuvre théâtrale de Marivaux se place dans le droit fil de la tradition italienne de la Commedia dell'arte et de la tradition espagnole du romanesque baroque.
Devenu l'intime, après leur retour à Paris d'un exil imposé par Louis XIV en 1697, des Comédiens italiens, il leur écrit sur mesure, entre 1722 et 1740, dans le langage " de la conversation ", des comédies d'un ton nouveau, dont la dramaturgie se fonde sur les " mouvements " de la sensibilité : la Surprise de l'amour(1722), la Double Inconstance(1723), le Prince travesti et la Fausse Suivante (1724), l'Île des esclaves et l'Héritier de village (1725), le Triomphe de Plutus (1728), la Nouvelle Colonie (1729), le Jeu de l'amour et du hasard (1730), le Triomphe de l'amour et l'École des mères (1732), l'Heureux Stratagème (1733), la Mère confidente (1735), les Fausses Confidences (1737), la Joie imprévue (1738), les Sincères (1739) et l'Épreuve (1740).
La plupart de ses pièces exploitent le thème du masque et du déguisement : grande dame déguisée en suivante, prince travesti amoureux d'une servante qui n'en est pas une. Les intrigues multiplient les effets de miroirs, les symétries et les renversement entre le monde des maîtres et le monde des serviteurs.
C'est pourquoi, le jeu vif et allègre des Comédiens italiens lui plaît infiniment mieux que le jeu lent et apprêté des Comédiens-Français, à qui pourtant, - car la reconnaissance officielle passe par là - il confie neuf comédies dont trois seulement remportent un véritable succès : la Seconde surprise de l'amour (1727), le Legs(1736) et le Préjugé vaincu (1746). En revanche, le Dénouement imprévu (1724), l'Île de la raison (1727), la Réunion des amours (1731), les Serments indiscrets (1732), le Petit Maître corrigé (1734), et la Dispute, 1744, seront autant d'échecs.

Il renouvela le roman avec deux oeuvres réalistes: la Vie de Marianne (1731-1741) et le Paysan parvenu (1734-1735), l'une et l'autre inachevées.

En dépit de la jalousie et de ses prises de position notamment dans la fameuse Querelle des Anciens et des Modernes, Marivaux grâce à sa notoriété et ses appuis, notamment Mme de Tencin, lui valurent d'être élu à l'Académie en 1742, contre un rival nommé Voltaire. Lors de son son discours de réception, Marivaux mit en avant le rôle dominant du français en Europe, importance qu'il attribuait à l'exceptionnelle qualité de l'esprit et des sentiments des écrivains ayant formé et formant l'Académie, ces esprits éclairés et responsables du progrès présent et à venir de la culture et de la transmission d'une tradition sans prix.




 

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