LA BRUYÈRE Jean de: Biographie et analyses des oeuvres

LA BRUYÈRE Jean de: Biographie et analyses des oeuvres

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Labruyere La Bruyère Jean de (1645 - 1696)

En 1684, Bossuet le fit entrer chez les Condé comme précepteur du duc de Bourbon. En 1686, première édition des Caractères traduits du Grec Théophraste , auxquels La Bruyère ajoute modestement quelques textes originaux. Au fil des huit éditions du vivant de La Bruyère, disparition progressive du texte antique, enrichissement et réécriture soigneuse du texte: le livre double de volume entre la premère et la huitème édition (de 420 à 1130 articles).
On a souvent une vision déformée de cette oeuvre: les portraits si célèbres sont minoritaires, on y trouve des maximes (lois générales, intemporelles, d'un style bref et brillant; genre apprécié et pratiqué dans les salons littéraires). Enfin des réflexions, textes assez longs, argumentatifs, débouchant sur une "leçon". En fait, les portraits ne sont que des illustrations des réflexions et maximes. Les portraits sont des textes courts, d'une richesse inépuisable (tout y est ciselé comme un bijou, jusqu'aux rythme et sonorité); souvent correspondance sémantique et/ou syntaxique de la première et dernière phrase (brièveté mais "fermeture sur soi" du texte). Structure habituelle: juxtaposition des phrases, sans mots d'articulation: au lecteur de retrouver les sous-entendus, (ce qu'on lit entre les phrases est bien plus percutant que l'invective ou l'argumentation). Les portraits fourmillent de surprises, de ruptures, de chutes, de mots d'esprit, de fausse naïveté, d'allusions malicieuses qui ont fait évoluer la langue française vers plus de subtilité et de souplesse.

La Bruyère n'est pas un homme de lettres-grand seigneur comme La Rochefoucauld, mais un humble précepteur et bibliothécaire. Il souffrit tout sa vie de ne pouvoir se faire accepter tout à fait dans la société des "grands" et souvent dans les Caractères un peu de rancoeur apparaît. Son souci de plaire (il s'essayait malheureusement au chant, à la danse, aux bons mots de boute-en-train), associé à son physique ingrat ne lui attiraient que la condescendance de ses protecteurs (la famille princière de Condé). Il parvint péniblement à se faire élire à l'Académie Française en 1693. Cependant La Bruyère n'est pas un révolté, il est plutôt conservateur et prend parti pour les Anciens contre les Modernes. Ses Caractères pourraient selon lui conduire l'individu à se corriger, mais sa critique sociale n'est pas une remise en question de la société. Il n'avait pas prévu l'immense succès de son livre, et en avait offert (avant publication) les droits d'auteur à la fille de son ami l'imprimeur.

La Bruyère se présente comme témoin de son temps. On connaît la phrase célèbre de la préface: "Je rends au public ce qu’il m’a prêté". La superposition des portraits grecs du IV siècle avant JC et la cour de Louis XIV au XVIIème siècle traduise la conviction qu’il y a des constantes dans l’histoire, les caractères des hommes. C’est ainsi que La Bruyère déjoue l’accusation de médisance personnelle, de portraits à clefs, non sans ironie: "il faut que mes peintures expriment bien l’homme en général, puisqu’elles ressemblent à tant de particuliers, et que chacun y croit voir ceux de sa ville et de sa province" (préface). La Bruyère veut rendre compte de l’homme éternel et universel; mais en rendre compte aussi dans une actualisation, à travers les hommes de son temps. Rendre compte des manies du pouvoir, pour l’acquérir, pour ne pas les perdre, pour le manifester ("De la cour" et "Des grands"), à la fois selon des principes constants dans l’histoire des hommes (les noms grecs protègent l’anonymat des portraits mais montrent aussi cette permanence) mais confirmés en situation.




 

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