DESPORTES Philippe - Biographie, études et analyses

DESPORTES Philippe - Biographie, études et analyses

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Desportes Philippe Desportes, né à Chartres en 1546 et mort à l'Abbaye Notre-Dame de Bonport le 5 octobre 1606, est un poète baroque français. Surnommé le Tibulle français pour la douceur et la facilité de ses vers, il fut abbé de Tiron, lecteur de la chambre du Roi et conseiller d'État.
D’une famille de riches négociants de Chartres, Philippe Desportes, entre dans les ordres après de solides études classiques. Il suit l'évêque du Puy dont il est devenu le secrétaire à Rome où il découvre la poésie de Pétrarque, qui influença profondément son œuvre. Il était l'oncle du poète Mathurin Régnier.


À son retour en France en 1567, il gagne les bonnes grâces de personnages haut placés, dont le duc d’Anjou, le futur Henri III, qu'il suit en Pologne. Lorsque celui-ci revient occuper le trône de France, il en reçoit plusieurs abbayes qui lui procurent un revenu de 10 000 écus. Préférant sa poésie plus maniérée, plus conventionnelle, plus formelle et moins inspirée que celle des poètes de la Pléiade, Pierre de Ronsard ou Joachim du Bellay, il en fait son poète officiel et mondain.
De retour en France en 1567, il gagne, en le flattant habilement, la faveur du duc d’Anjou, le futur Henri III; il se pousse avec adresse dans le milieu des secrétaires de la Chambre, dans les salons influents (celui de la maréchale de Retz notamment) et dans les bonnes grâces de personnages haut placés. C’est le début d’une carrière de courtisan et d’écrivain exceptionnellement réussie.
En marge de celle des poètes de la Pléiade, son oeuvre est typiquement celle d'un poète de cour. Il chante ses amours (ou plutôt prête sa plume à des grands dont il chante, sous son nom, les amours): il compose ainsi «les Amours de Diane», puis «les Amours d’Hippolyte» (adressées à Marguerite de Valois, femme d’Henri de Navarre), ensembles de sonnets, de stances, de chansons qu’il réunit en 1573 dans un recueil intitulé Premières Oeuvres (dédié au duc d’Anjou) et auxquels il joint des Élégies, des Meslanges (en particulier des «Bergeries»), ainsi que des Imitations de l’Arioste qui étaient déjà parues dans un volume collectif.
Sa poésie est moins inspirée et plus conventionnelle que celle de Ronsard, ou de Joachim du Bellay. Marquant l'évolution du genre poétique du grand lyrisme et d'une poésie érudite et inspirée vers une poésie de salon, plus formelle, son oeuvre est davantage celle d'un virtuose de la langue que d'un poète inspiré, et tend parfois au maniérisme à force de raffinement.
En 1572, le duc d’Anjou emmène son favori en Pologne en qualité de secrétaire de sa chancellerie lorsqu’il est élu roi par la Diète; puis il fait de lui le lecteur de son cabinet et son poète favori quand, de retour en France, il succède à Charles IX, son frère, en 1573, sous le nom d’Henri III. Le nouveau roi admet Philippe Desportes dans ses conseils et lui octroie d'importants bénéfices ecclésiastiques.
Desportes vit sa carrière atteindre son apogée entre 1573 et 1583, période où il fait régulièrement rééditer ses Premières Oeuvres (on a pu parler à leur propos du plus grand succès de librairie au XVIe s.), en les augmentant: il y ajoute en 1583 «les Amours de Cléonice». Sa gloire ira jusqu'à éclipser celle de Ronsard dont il apparaît, à la cour, comme le rival bienheureux.
Après la mort d’Henri III, il se rallie à la Ligue, en faveur de laquelle il inclinait déjà depuis un moment, et collabore à la défense de Rouen contre Henri IV, mais, après quelques mois d’effacement prudent, il reparaît pour négocier la reddition des places normandes réfractaires.
Sous le règne d’Henri IV, il se retire dans sa province natale, laissant la place à la cour à d’autres auteurs tels que François de Malherbe.
Il finira ses jours dans ses luxueuses retraites de Vanves et de l’abbaye de Bonport (qu’il a obtenue en échange de ses derniers services), jouissant paisiblement de ses confortables revenus, protégeant et accueillant généreusement les jeunes poètes et cultivant sur le tard la poésie religieuse: il publie des Prières et méditations chrestiennes et traduit les Psaumes «en vers françois» (la première édition, en 1591, en comprend soixante, l’édition posthume de 1603 cent cinquante). Bien qu’elle soit estimable, cette dernière oeuvre n’obtient qu’un succès médiocre.
Il fut un temps propriétaire d’un manoir, sis dans les faubourgs de Rouen, appelé « manoir de Hauteville », « Clos des Trois Cochons » ou encore « Enclos des Trois Maisons Cornues » et « Manoir de St-Yon », où Jean-Baptiste de la Salle installa plus tard la maison mère des Frères des Écoles chrétiennes.
Nourri d'Homère et de Virgile, Desportes poussa moins loin que Ronsard l'imitation de l'antiquité. Il polit la langue, donna plus de soin à la régularité des rimes, à l'harmonie de la phrase ; les inversions chez lui sont moins fréquentes et plus claires que chez Ronsard ; les hiatus et les enjambements commencent à disparaître dans ses vers. La grâce de ses sonnets, la verve de ses chansons suffirait à lui assurer la renommée. Il faut lire sa Villanelle de Rosette et quelques vers sur le bonheur de la campagne qui ont inspiré La Fontaine.
Il figure avec Jean Bertaut dans le couplet dédaigneux de Nicolas Boileau dans l’Art poétique sur Pierre de Ronsard :
« Ce poète orgueilleux, trébuché de si haut,
Rendit plus retenus Desportes et Bertaut. »

Philippe Desportes, représentant le plus important de la génération qui a suivi celle de Ronsard et précédé celle de Malherbe, meurt à Bonport, chargeant avec indifférence son neveu Mathurin Régnier de défendre son oeuvre contre les critiques envieuses de Malherbe, qui vient de l’insulter avec une superbe «goujaterie» et qui crible d’annotations sévères son exemplaire des Premières Oeuvres. Desportes apparaît en effet comme l’héritier de Ronsard, à qui il a succédé comme prince des poètes et contre qui se définit la réforme de Malherbe. Mais son oeuvre (où l’on trouve déjà appliqués un grand nombre des préceptes qu’imposera cette réforme) s’est faite elle-même contre la poésie de Ronsard (ou du moins contre la poésie ambitieuse du jeune Ronsard). Elle se caractérise par une plus grande abstraction, une plus grande clarté (si elle abonde en pointes et figures imitées de la poésie italienne, elle répugne à la mythologie accessible aux seuls initiés) et surtout par la recherche d’une continuité égale et harmonieuse, d’une régularité élégante qui évite tout heurt, toute rupture dans le ton, le rythme ou la composition. Dans cette fluidité monotone, les contemporains ont reconnu une «douceur naturelle» qui leur a paru apporter dans la poésie amoureuse quelque chose de radicalement différent – douceur qui ne retient plus rien de l’enthousiasme, de la «fureur» de la Pléiade et contraste singulièrement avec la violence d’une époque troublée (on n’en trouve pas trace dans l’œuvre de Desportes), douceur séduisante dont le poète a su user avec un opportunisme égal à celui dont il a fait preuve à la Cour et en politique.
Ses Poésies, en partie galantes, en partie dévotes, eurent un grand succès : il y imite avec bonheur Clément Marot et les poètes italiens.

Œuvres :
• Les Amours de Diane (1573)
• Les premières œuvres de Philippes Desportes. Reveuës, corrigées & augmentées outre les précédentes impressions (1578). Édition revue et augmentée : Robert Estienne, 1587.
• Les Amours de Cléonice (1583)
• Élégies (1583)
• Les 150 psaumes de David (1603-1605)
• Bergeries


Source: A N I




 

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