MALHERBE François de: Biographie et analyses des oeuvres

MALHERBE François de: Biographie et analyses des oeuvres

article

Malherbe (1555 -1628)
En 1555, au moment où les polémiques furieuses allaient aboutir aux guerres de religion, François de Malherbe naissait à Caen. Il grandit au milieu des désordres et des massacres ; semblable à tous les jeunes gens de sa génération, il n’éprouvait que dégoût pour ces querelles stériles qui couvraient le pays de ruines et de cadavres. De tous ses voeux, il appelait le pacificateur, - dût-il être un maître.

Fût-il baptisé au temple ou à l’église ? Il est difficile de rien affirmer, étant donné le trouble des temps et les fluctuations de son père. Toujours est-il qu’il adhéra toute sa vie à la confession catholique. Son père était un petit magistrat local. Mais s’il faut en croire le poète, il y aurait eu un Malherbe parmi les compagnons de Guillaume le Conquérant ; ce fut sans doute pour rendre à sa noblesse, dont il était extrêmement fier, son lustre militaire, que Malherbe choisit le métier des armes.
Il s’attacha au grand prieur de France, fils de Henri II, qui l’emmena à sa suite dans son gouvernement de Provence. Les occasions d’accomplir de grands exploits n’y abondaient pas. Par contre, la vie y était douce, le grand prieur aimait Malherbe et, se piquant lui-même de lettres, l’incitait à rimer. Le meurtre de son protecteur éloigna pendant quelques années Malherbe du Midi où ses manières brusques, inciviles et rudes lui avaient sans doute attiré des inimitiés. Quand il y revint, meurtri par des deuils, lassé par des difficultés de famille, il avait déjà passé la quarantaine. Il était inconnu.
C’est à Aix-en-Provence, vieille cité parlementaire, que la renommée de ses vers commença à se répandre : vers fermes, oratoires, sans emphase, où tout était pesé et réfléchi. Elle atteignit Paris. Henri IV désira voir le poète et l’attacha à sa personne. Il en fit même, moyennant rétribution, le chantre de ses amours. Après la mort du bon roi, Malherbe demeura fidèlement attaché à l’autorité royale, exultant quand apparut enfin « l’incomparable cardinal » qui était vraiment le ministre selon son cœur de Richelieu. Exempt de lyrisme, ami de toutes les disciplines, il exerçait dans les lettres une action semblable à celle que Richelieu voulait exercer dans l’Etat.
Sa nature pourtant était moins froide que sa poésie. Il avait jadis écrit à sa femme une lettre déchirante sur la mort de leur fille. Celle de son fils unique, Marc-Aurèle, l’affola : le jeune homme fut tué dans une rixe. Le vieux Malherbe ne vécut plus désormais que pour la vengeance. Mais le meurtrier était riche, bien apparenté, Malherbe recourut vainement aux tribunaux, demanda sans l’obtenir réparation par les armes, lui vieillard de soixante-treize ans, à ce jeune homme de vingt-cinq ; il alla, toujours vainement, réclamer justice au roi jusque dans les tranchées ouvertes devant la Rochelle ; il y contracta une fièvre paludéenne, qui l’emporta (1628).
L’impersonnalité de sa poésie ne doit pas nous faire illusion : il avait d’ardentes affections. Néanmoins c’est un fait : ce consolateur de Du Périer n’aime pas à mettre en vers ses douleurs privées. La colère, plus que la tendresse, est capable de le faire manquer au principe qu’il s’est imposé.
Les poésies de Malherbe.
Malherbe écrivit dans sa jeunesse des vers encombrés de concetti selon le goût du jour. C’est vers 1600 seulement (il avait quarante-cinq ans) qu’il commença à donner ses beaux poèmes, d’abord aimables, abondants, aisés, puis de plus en plus vigoureux et pleins. - On peut suivre cette évolution, conforme à l’évolution du siècle, en lisant d’abord l’Ode à Marie de Médicis pour sa bienvenue en France (1600) et les Stances à Du Périer sur la mort de sa fille (1601); puis la Prière pour le roi Henri le Grand allant en Limousin (1605), l'Ode sur l'attentat du Pont-Neuf (1606), l'Ode à la reine Marie de Médicis sur les heureux succès de sa régence (1610); et enfin la Paraphrase du Psaume CXLV (1627) et l’Ode au roi Louis XIII allant châtir la rébellion des Rochelois (1628): c'est dans ces dernières pièces que la poésie de Malherbe, forte, dense, un peu brusque et dure, a trouvé sa plus complète expression. - L'œuvre poétique de Malherbe a été répartie en quatre livres: Odes, Stances, chansons, sonnets.
Sous ces formes diverses, elle présente un caractère permanent: le poète s'abstient volontairement de nous rien livrer de ses émotions intimes. S'il traite les grands lieux communs de la vie et de la mort, il le fait sans allusion à lui-même, avec l'unique souci de démontrer une vérité générale. Il choisit des sujets où son opinion concorde avec l'opinion publique, des sujets d'intérêt commun: de là tant de poésies de circonstances. Il chante la paix rendue à la France, l'ordre restauré dans la monarchie, la haine de la guerre religieuse et civile: choses qui sans doute lui tiennent au cœur, mais à tout le monde avec lui.
Il s'interdit toute fantaisie, les images mêmes; il s'interdit toute émotion qui porterait la marque de sa sensibilité individuelle. Pas d'imagination, pas d'émotion: aucun frémissement lyrique ne court à travers cette poésie, où se combinent uniquement des qualités intellectuelles: la concision, la vigueur, le rigoureux enchaînement des idées. Ainsi le lyrisme est éliminé au profit de l'éloquence; le sentiment cède la place à la raison; et il est manifeste, par l'accueil même que son temps fit à Malherbe - "tout reconnut ses lois," dit Boileau - que déjà le moi commençait à paraître haïssable.

Études et analyses des oeuvres de François de Malherbe


 

Retourner vers Auteurs H - M

cron